Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée

Énième vision de Désiré, jubilation intacte. Sur la finesse de la caractérisation et de l’observation sociale, les rapports entre maîtres et domestiques, le désir interdit, refoulé, qui ressurgit dans les rêves et les actes manqués, le masochisme de la condition de valet placidement constaté par l’intéressé (qui a pour singularité de tomber amoureux de toutes ses patronnes), le film n’a pas pris une ride. La mécanique du boulevard fait passer l’audace du propos, qui n’a, lui, rien de boulevardier.

Euphorisantes aussi, la vitesse d’exécution, l’intelligence de cinéaste avec laquelle Guitry transpose sa pièce à l’écran, loin des conventions d’usage à l’époque. Pas d’aération inutile, pas d’extérieurs pittoresques : nous ne quitterons pas les espaces clos de l’hôtel particulier de Paris et de la villa de Deauville. C’est de l’intérieur qu’est repensée l’économie de la pièce, par la science des entrées et des sorties de champ, le montage alterné mettant en parallèle le monde des maîtres et celui des domestiques, le recours ponctuel à des surimpressions, l’équilibre maintenu entre la dépense verbale (les deux grandes tirades époustouflantes de Désiré qui se répondent au premier et au troisième acte) et des gags purement visuels (par exemple, le numéro d’équilibriste de Désiré sur son échelle, ou encore le jeu muet de mimiques impayables de Guitry et Pauline Carton dans la cuisine).

Et puis, les portes. L’omniprésence des portes et des embrasures, qui fait de Désiré le plus lubitschien des films de Guitry. Portes qu’on entrebâille ou qu’on hésite à ouvrir, portes auxquelles on écoute ou d’où l’on surgit au moment le moins opportun, portes et corridors qui tout à la fois séparent l’espace des maîtres et celui des domestiques, et rythment la circulation des personnages entre ces deux espaces.


















Samedi 4 juillet 2015 | Dans les mirettes |

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