Les bonnes idées d’Henry Cohen



La collection Idées, première série

Lancée en 1962, la collection Idées/Gallimard est l’un des plus beaux fleurons graphiques de l’édition de poche française. Son identité visuelle forte est de celles qui titillent irrésistiblement, chez l’amateur de livres, le démon de l’acquisition. Grâce à un excellent article de Rick Poynor épinglé par l’Éditeur singulier, on en a appris un peu plus sur le concepteur de ses couvertures, le méconnu Henry Cohen.

Cohen est né à Londres en 1919. Sa famille s’établit en France en 1924. À la fin des années 1950, Robert Massin lui confie quelques travaux photographiques pour le Club du meilleur livre ; puis, devenu directeur artistique chez Gallimard, la réalisation des couvertures de la collection Idées, lui-même se chargeant de la conception typographique (où l’on reconnaît sa patte : police bâton tout en bas de casse, composition au fer à gauche en milieu de couverture) et des pictogrammes précisant la catégorie thématique de chaque volume.

De 1962 à 1975, Cohen réalisera environ trois cents photographismes pour la collection. Il y fait preuve d’une invention constante dans le traitement de l’image en employant des procédés divers : distorsion, usage de filtres, agrandissement, surimpression ou solarisation, avec les moyens artisanaux de l’époque. On n’est pas étonné d’apprendre que la seule influence qu’il se reconnaisse est celle de Man Ray, qui lui fit prendre conscience des possibilités de manipulation signifiante de l’image. Les couvertures oscillent entre le figuratif et l’abstrait, avec une prédilection marquée pour les matières texturées, les motifs organiques ou cellulaires, comme vus au microscope, dotés d’un fort pouvoir évocateur.

Il est tentant de rapprocher le travail de Cohen des couvertures que réalisaient à la même époque Alan Spain et Franco Grignani pour Penguin de l’autre côté de la Manche. On y retrouve le même goût pour les photos solarisées, avec une touche de psychédélisme en plus. Il est peu probable qu’il y eut influence réciproque ; plutôt un air du temps commun.

En 1972, la maquette d’Idées subit quelques aménagements. Le format Livre de poche, si agréable en main (11 x 16,5 cm), est abandonné au profit du format Folio, un peu plus allongé (11 x 18 cm) ; le titre figure désormais en tête de la couverture ; les visuels se banalisent. L’équilibre magique est rompu et la collection devient graphiquement plus quelconque. Gallimard lui mettra un terme quelques années plus tard et c’est la collection Tel qui prendra le relais.


La collection Idées, deuxième série


Samedi 17 décembre 2016 | Le monde du livre |

5 commentaires
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Héhé !… Figurez-vous que depuis que je lui ai fait part de cette découverte lue chez l’indispensable J-Ch. N., le Tenancier me tanne pour que j’écrive un billet au sujet d’Henry Cohen, auquel je ne connaissais que pouic jusqu’alors.

Le vôtre m’en dispense et je vous en remercie !

Commentaire par George Weaver 12.17.16 @ 8:18

Weaver, salaud, le Tenancier aura ta peau !

Commentaire par Le Tenancier 12.17.16 @ 8:34

Pour votre peine, faites-nous quelque chose sur Jacques Darche.

Commentaire par th 12.17.16 @ 10:49

Merci, cher th, d’avoir été moins paresseux que moi et d’avoir présenté la chose un peu plus en détail. Je me retiens de ne pas acheter à chaque fois que j’en vois un, maintenant. Le problème, c’est qu’ils vieillissent assez mal et sont souvent en mauvais état…
Indispensable… Ha ! Ha ! Ha !

Commentaire par hrundi v. bakshi 12.18.16 @ 4:24

À une époque, on les trouvait en piles chez les bouquinistes montréalais, en parfaite condition. Sûrement un déstockage du distributeur. Ceux-là ont bien vieilli.
Le hic est la qualité très variable de l’encollage. Certains se cassent en deux dès qu’on les ouvre, tout comme les premiers 10/18 — et, pire encore, les Marabout.

Commentaire par th 12.18.16 @ 10:48



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