Paris ne finit jamais

Sous couvert d’une conférence sur l’ironie, le narrateur évoque ses débuts littéraires à Paris, alors que, jeune écrivain un rien poseur et prétentieux, il tentait d’écrire, dans une chambre de bonne que lui avait louée Marguerite Duras, son premier roman, la Lecture assassine : l’histoire d’un livre ayant le pouvoir de tuer ses lecteurs. Ces souvenirs sont prétextes à digressions en chaîne sur la création littéraire, le Paris des écrivains passés et présents, la colonie des exilés espagnols…

J’ai écrit « le narrateur » et pas « Vila-Matas », parce que le livre est écrit de façon telle qu’il suscite continuellement un doute déstabilisant sur la vérité de ce qui est raconté. L’auteur a-t-il vraiment participé, à Key West, à un concours de sosies d’Hemingway (!), à la consternation de son entourage (car en dépit de son intime conviction, il ne ressemble pas du tout à Hemingway) ? A-t-il croisé un matin dans la rue une Jean Seberg fantomatique ? Existait-il réellement à Paris une librairie clandestine dans laquelle un Noir prétendant être Georges Perec (!!) aurait prononcé une conférence ? Pouvait-on rencontrer, à la terrasse du Flore, un jeune millionnaire espagnol flanqué d’un secrétaire, prétendument attelé à la rédaction d’un livre dont il n’écrivit pas la première ligne, et pour lequel il salariait des dizaines d’étudiants pour effectuer des recherches en bibliothèque, lesquels l’escroquaient éhontément avec son plein consentement ? C’est par moments indécidable et c’est au point où même des événements indubitables (la mort de Franco) se colorent d’irréalité. Il en résulte un délicieux vertige borgesien, non dépourvu d’humour — les scènes avec Duras sont désopilantes — et bien accordé au propos secret du livre, méditation sur le vrai, le faux, le travestissement et l’imposture littéraire.

Enrique VILA-MATAS, Paris ne finit jamais. Traduction d’André Gabastou. Christian Bourgois, 2004, 291 p.


Vendredi 30 septembre 2005 | Au fil des pages |

Un commentaire
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Effectivement, c’est du Vila-Matas au mieux de sa forme.

Commentaire par antoine p 02.02.07 @ 5:24



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