Paris, hôtel Bordeaux
Edward Loëvy, le Dandy nonchalant (1901)
La collection du musée de Pau est assez pauvre – du moins, soyons prudent, l’accrochage actuel – si on la compare à celles d’autres musées de province tels que ceux d’Angers, Rouen, Agen… (Mais l’on me dit que le musée a proposé, l’année dernière, une remarquable exposition Goya.)
On a été privé du Dandy nonchalant d’Edward Loëvy, en punition dans les réserves, situation d’autant plus absurde que ce tableau a dû être tenu jusqu’à une date récente pour une œuvre phare de la collection du musée, propre à motiver l’édition d’un mug, toujours proposé à la vente, lui, à la maigre boutique. Un émule de Philippe Muray pourrait en tirer une allégorie de la consommation culturelle contemporaine : vous ne verrez pas l’original mais vous pouvez acheter le mug.
On s’est consolé de l’absence du Dandy avec un autre aimable nonchalant, au second plan d’une toile d’Henri Zo, contemporaine du tableau de Loëvy.
Henri Zo, le Patio (1907)
Passage éclair à Montpellier pour raisons professionnelles, et trop brève échappée – pour cette raison un peu frustrante – dans cette ville aux labyrinthes emboîtés : plan déroutant du musée Fabre, dédale de la vieille ville, lacis, au soir tombant, des allées du Jardin des plantes que hantent tant de fantômes : Paul Valéry, Pierre Louÿs, Valery Larbaud, Jorge Luis Borges.
Au musée Fabre, ce sont deux tableaux maniéristes qui m’ont fait vibrer : l’un de Jean Cousin, l’autre d’Alessandro Allori, élève et fils adoptif de Bronzino. Au passage, je me suis demandé si mon goût croissant pour le maniérisme (Pontormo au premier rang) n’était pas en partie une réaction à l’air du temps : plus l’époque encourage, dans la fiction et pire encore en poésie, le déballage sans filtre au nom d’une sacro-sainte authenticité (« je balance mes tripes et prends ça dans ta gueule ») et plus me séduit cet art distancé, cérébral et savant, aux tons froids, antinaturaliste, truffé d’allusions compliquées, où le feu couve sous la glace.
Jean Cousin le Père, Allégorie de la Charité
Alessandro Allori, Vénus et Cupidon