Souvenirs du symbolisme

Ce qui ne nous parle plus guère dans la poésie symboliste : le goût du lexique rare, le culte de l’antique, le recours à la mythologie ; tout un appareil dont Mallarmé sut tirer de précieuses miniatures mais qui entre des mains moins expertes sent la pacotille.

Ce qui nous touche encore dans la poésie symboliste : un art de la suggestion obtenue par les moyens (apparemment) les plus simples.

Combien de ratures pour aboutir à ce quatrain ?

La nuit d’ombre, de soie et d’or
Du fond du silence est venue
Et l’automne est si tiède encor
Que tu pourras t’endormir nue.

— Henri de Régnier

 

Poème cité par Michel Bulteau dans le Club des longues moustaches (Quai Voltaire, 1988) : évocation d’un groupe d’écrivains à belles bacchantes qui partageaient l’amour de Venise, un dandysme sans illusions et un certain penchant à la mélancolie, né du sentiment d’être en porte-à-faux avec leur époque : Henri de Régnier, Jean-Louis Vaudoyer, Edmond Jaloux, Émile Henriot, Eugène Marsan, Francis de Miomandre.


mardi 10 décembre 2024 | Grappilles | Aucun commentaire


Chambres


Paris, Citadines La Défense


Lille, hôtel Chagnot


vendredi 6 décembre 2024 | Chambres | Aucun commentaire


Lectures expresses

Rémy Jimenes, Claude Garamont typographe de l’humanisme. Éditions des Cendres, 2022.

Rémy Jimenes fait œuvre utile en proposant une synthèse très agréablement rédigée des connaissances actuelles sur Claude Garamont, « personnage à la fois célèbre et mal connu », dispersées dans des publications savantes peu accessibles au grand public. La recherche récente sur le sujet a fait des progrès notables. Bien des légendes ont été dissipées au passage. L’importance de Garamont n’en sort pas diminuée, au contraire, mais plus exactement évaluée et située dans le monde du livre et du savoir de son temps, le développement de l’imprimerie et de l’édition parisiennes concomitant à l’essor de la culture humaniste, la politique de prestige culturel menée par François Ier et son entourage – qui passait aussi par l’édition de livres.

On mesure ainsi que la typographie n’est pas qu’affaire de technique et de savoir-faire. L’adoption de nouvelles polices de caractères fut un enjeu culturel et politique, et l’un des instruments de diffusion de la culture humaniste à la Renaissance.

À la Renaissance, les corps de caractères sont désignés par des expressions imagées, charmantes mais peu précises. C’est au XVIIIe siècle qu’on inventera une unité de mesure, le point typographique.




Destin de collection

Emplettes matinales au marché aux puces.

Il y en avait plusieurs cartons de la même eau. Il est rare de trouver des disques classiques de cette qualité aux puces. D’ordinaire, on a droit aux « plus grands succès de l’opérette ».

Derrière ces trouvailles on devine une histoire tristounette : le décès d’un vieux mélomane averti, des héritiers que ça n’intéresse pas et qui, plutôt que de se donner la peine de contacter un bon disquaire d’occasion, balancent le tout en vrac pour une bouchée de pain au premier vide-grenier venu. Sic transit gloria collectionis.


vendredi 22 novembre 2024 | À la brocante | Aucun commentaire


Super-nouvelles

The enquiry into the death of the young woman found in the cellar at Burnt Oak Road proceeded on its routine course. The Press, of course, seized on it avidly. If, as Miss Rose Macaulay says, women are news, and by that presumably meaning live women, murdered young women are super-news. Young women, in the eyes of Fleet Street, are invariably romantic, and to be murdered in a suburban villa and buried under its cellar floor is obviously the quintessence of romance. Banner headlines flaunted their boldest type over double-column stories for just seven times as long as would have been the case if the victim had been an unnewsy young man.

Anthony Berkeley, Murder in the Basement (1932).
British Library Crime Classics, 2021.




Lectures expresses

Henri Calet, les Deux Bouts. Héros-Limite, 2016.

Après la guerre, Henri Calet vit de commandes pour la presse et la radio. Les Deux Bouts réunit une série de reportages parus dans le Parisien libéré et Marie-France. Il s’agit de dix-huit entretiens-portraits de gens abordés sur un quai de métro, dans la rue, une gare, un parc. Calet les accompagne sur leur lieu de travail, quelquefois à leur domicile. Il les fait parler de leur vie, de leur métier, de leurs loisirs, de leurs aspirations. Il y a le boulanger, la vendeuse, l’esthéticienne, l’ouvrier métallurgiste, la crémière, le représentant en aspirateurs… Une photographie sensible de la vie des classes laborieuses, comme on disait naguère, à Paris et dans ses banlieues.
Première publication chez Gallimard en 1958. Pour cette édition sous forme de livre, Calet avait joint aux articles quelques échantillons de l’abondant courrier qu’avait suscité leur parution dans la presse. Leur lecture n’inspire pas un jugement favorable sur l’espèce humaine, en tout cas sur cette partie de l’espèce humaine qui écrit aux journaux : pas mal d’envie sociale, de jalousie pour le voisin, et même des velléités de délation.

André Chastel, Chronique de la peinture italienne à la Renaissance. Office du Livre, 1983.

André Chastel était le contraire de ces chercheurs moqués par David Lodge, qui n’ont eu qu’une idée dans leur vie et vont la répétant de colloque en colloque. Aucun de ses nombreux ouvrages sur la Renaissance ne fait double emploi. Chacun adopte un angle de vue différent, qui enrichit notre compréhension de la période.

Chronique de la peinture italienne à la Renaissance porte un titre trompeur de manuel, eu égard à son intérêt et à l’originalité de son projet. Constatant, dans l’inflation des publications sur la Renaissance, un fossé croissant entre les études savantes destinées aux spécialistes et les bons ouvrages de vulgarisation, Chastel se propose le pari suivant : rédiger un ouvrage « intermédiaire », destiné au grand public, mais qui le rapproche du métier concret de l’historien en le mettant en contact direct avec les sources primaires à partir desquelles celui-ci travaille.

L’ouvrage consiste en dix études de cas – correspondant à dix moments significatifs de l’histoire de l’art italien entre 1280 et 1580 –, qui s’appuient sur l’examen de documents d’époque (chroniques, contrats, traités, livres de comptes, correspondances…), cités et commentés. Les phénomènes de concurrence (entre artistes, ateliers, confréries et cités), la dynamique des relations entre art, public et société, entre artistes et commanditaires, « métier » et « génie », conditions matérielles et financières de travail, politique de prestige des princes, doctrine religieuse, tradition iconographique et autonomie de l’artiste sont analysés avec finesse. Chastel propose en somme une histoire matérielle de l’art qui n’aplatit pas pour autant les questions esthétiques.

Les réflexions générales de l’introduction intéresseront toute personne curieuse de questions d’historiographie, au-delà du seul champ de l’histoire de l’art.


vendredi 15 novembre 2024 | Au fil des pages | Aucun commentaire


Chambres


Paris, hôtel Dièse


jeudi 7 novembre 2024 | Chambres | Aucun commentaire