La clé du succès
Ce n’était pas chose facile d’arriver à faire son chemin dans le monde des lettres, et je craignais pour ma part de ne savoir écrire ni assez bien ni assez mal pour rencontrer le succès.
Ernest William Hornung, Un cambrioleur amateur
(The Amateur Cracksman, 1899).
Traduction d’Henry Evie revue par J.-F. Amsel.
Omnibus, 2007.
Tom Adams
On apprend la mort de Tom Adams, survenue le 9 décembre. Né en 1926, Adams fut peintre et illustrateur. Passionné de musique, il conçut des affiches de concert pour Soft Machine et The Jimi Hendrix Expérience, et une pochette d’album pour Lou Reed. Mais l’histoire retiendra en premier lieu son travail d’illustrateur de couvertures de livres (de John Fowles à Raymond Chandler), et en particulier ses couvertures pour les romans et recueils de nouvelles d’Agatha Christie. « The happiest pairing of a crime writer and an artist since Conan Doyle and Sidney Paget », écrit The Telegraph.
Ces couvertures furent reprises pour les éditions françaises du Masque des années 1960 et 1970. Leur pouvoir d’attraction était considérable ; leur imagerie est restée indissociable de nos souvenirs de lecture. On n’a pas fait mieux depuis. Sans elles, aurais-je emprunté à l’âge de onze ans mes premiers Agatha Christie à la bibliothèque ?
La vie des livres
À Paris, dans les années 1980.
Il se demanda ce que fabriquait Hélène. C’était une pensée qui lui revenait souvent dans la journée. Il se la représenta dans la librairie, en train de classer ces somptueux albums qu’elle commandait à Genève, à New York ou à Milan. Hélène certifiait qu’en France les éditeurs en étaient encore à la préhistoire.
*
Il déposa son manuscrit aux éditions. Darroze serait soulagé. Les délais avaient été respectés. Quand il avait fini un livre, Étienne était encore plus désemparé que d’habitude. Voilà, un livre de plus. Pourquoi publier tant de livres, de mauvais livres ? […]
Le lendemain, le téléphone le tira du sommeil. Darroze trouvait le livre excellent. Étienne bafouilla une phrase. Ça n’était un secret pour personne que Darroze ne lisait rien. Étienne ne lui en voulait pas. Si un éditeur devait lire ce qu’il publie, il n’oserait plus se regarder dans une glace.
Éric Neuhoff, Des gens impossibles, La Table ronde, 1986.
Depuis A jusqu’à Z
Y a fait ce matin son entrée dans la collection. Un jour, on aura l’alphabet entier.
Madeleine
La « Bibliothèque canadienne-française » est intimement liée au souvenir de nos lectures scolaires : Trente Arpents, le Survenant, Menaud, maître-draveur, le Fou de l’île, les Engagés du Grand-Portage, l’inévitable Maria Chapdelaine…
On doit aux éditions Fides la création en 1960 de la première collection de poche québécoise, « Alouette », dont la « Série bleue » deviendra en 1970 la « Bibliothèque canadienne-française ». Celle-ci deviendra à son tour la « Bibliothèque québécoise », copropriété des éditions Fides, Léméac et Hurtubise.
Les couvertures abstraites et la typo bâton des années 1970 sont étonnamment modernes, venant d’un éditeur aussi traditionaliste que Fides. On découvre, en parcourant les achevés d’imprimer, que la maison possédait encore ses propres presses en 1970 mais que ce n’était plus le cas deux ans plus tard.
V.I.P.
On n’en attend qu’un cette année.
François Salvat
Dans le second volume des mémoires vagabonds de Michel Déon, Bagages pour Vancouver (1985), entre Chanel, Morand, Dalí, Man Ray, Sagan, Blondin et Nimier, Christine de Rivoyre, Henri Martineau, Maurice Fombeure et André Fraigneau, des relectures de Stendhal et de Giono, des dérives nocturnes dans Paris, une équipée en Irlande sur la piste d’un alcool de légende (le potcheen, distillé en douce par les cultivateurs, qui titre à 80°), des aperçus du monde éditorial et de la vie des revues dans les années 1950, se glisse le souvenir d’anonymes soutiers de l’édition – lecteurs de manuscrits et correcteurs d’épreuves travaillant dans des conditions misérables – et de quelques figures mineures oubliées. On découvre ainsi l’existence de François Salvat, peintre paysagiste mais également – raison de ce billet – maquettiste de livres.
François Salvat, longtemps chez Grasset, avait dessiné toutes les maquettes de couvertures et travaillait encore pour les éditions de la Table ronde. Petit homme, aux grands yeux étonnés, au rugueux accent catalan, d’une humeur toujours égale, d’une patience infinie quand Fraigneau le harcelait pour qu’il mît une touche de rose ou bien de bleu dans une de ses exquises aquarelles et ses belles huiles ensoleillées par Venise, la Grèce, la Catalogne, François Salvat a laissé une œuvre que son classicisme a peut-être injustement étouffée en plein désarroi de l’esthétique, mais qui lui survit dans les musées et les collections particulières, dernier luxe de la peinture figurative.
Salvat a aussi écrit et illustré un livre sur Venise, Voir Venise et la revoir, qui eut les honneurs d’une préface de Morand. On tâchera de mettre la main dessus.