Dumbo est un sujet en or pour Tim Burton. L’éléphanteau aux grandes oreilles est le petit frère d’Edward aux mains d’argent, du géant Karl, de Batman et du Pingouin : une créature meurtrie, exclue et solitaire, en qui se disputent la monstruosité et la souffrance. Autour de lui, comme dans Big Fish dont le Monsieur Loyal était déjà Danny DeVito, se déploie une famille de substitution : le monde du cirque et son carnaval de freaks, version sympathique du gang criminel du cirque du Triangle Rouge de Batman Returns. La destruction par les flammes du parc d’attractions Dreamland fait écho à celle de Gotham City. Et le vrai monstre de l’histoire n’est pas celui qu’on croit, mais un millionnaire sans scrupules à la mise soignée et à la chevelure argentée : c’était Max Schreck (Christopher Walken) dans Batman Returns, c’est V. A. Vandevere (Michael Keaton) dans Dumbo. Quant à l’étonnante Nico Parker, elle rejoint la famille des jeunes héroïnes burtoniennes aux yeux larges.
À tous égards, Dumbo est la version rose, enfantine et finalement heureuse du monde cauchemardesque de Tim Burton. Enfantine mais nullement puérile. Burton s’offre même le plaisir, dans un film produit par Disney, d’une critique implicite de Disneyland (dont le Dreamland de Vandevere est une transposition flagrante). Par la bande, le film réitère l’éloge des artistes marginaux contre l’industrie du spectacle, autre motif burtonien.
Big Fish
Dumbo
Big Fish : la troupe du cirque Calloway
Dumbo : la troupe du cirque des Medici Brothers
Batman Returns : les clowns du gang du Triangle Rouge
Batman Returns : Max Schreck
Dumbo : V. A. Vandevere
Un commentaire
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Bonjour Thierry,
Commentaire par Sylvain J. 05.20.20 @ 6:59C’est effectivement à travers tous ces rapprochements thématiques et de personnages que j’ai trouvé ce film intéressant et touchant. Tim Burton a ici quelque chose du réalisateur (gentiment) contrebandier au sein d’Hollywood et de Disney en particulier, de cette usine sur-fabriquée à rêves, et je le sens malgré tout coincé dedans. Il y a ce goût et cette envie de faire plus simple, plus artisanal, tout en se plongeant complétement dans un format studio pur jus (le remake, le film à grand spectacle plein d’effets spéciaux numériques…). Une vraie schizophrénie de la part d’un auteur, qui se rapproche ainsi beaucoup de nombre de ses protagonistes.
Plein de défauts, pas forcément une grande réussite, ce Dumbo relève le niveau de ses derniers films. Je n’y crois plus trop, mais je veux garder espoir en Tim Burton pour ses prochains films. Et espère ne pas le regretter !