Piphilologie

La piphilologie est la discipline qui s’intéresse aux moyens mnémotechniques permettant de retenir les décimales du nombre Pi.

On sait que la mémorisation d’un maximum de ces décimales est un sport prisé des obsédés du record. C’est ainsi qu’en 2006, le Japonais Akira Haraguchi récita publiquement par cœur cent mille décimales de Pi durant seize heures.

Un moyen mnémotechnique classique consiste à retenir un texte composé de telle façon que ses mots aient chacun un nombre de lettres égal à la décimale correspondant à sa place :

Que (3) j’ (1) aime (4) à (1) faire (5) apprendre (9) un (2) nombre (6) utile (5) aux (3) sages (5).
= 3,1415926535.

***

How I want a drink, alcoholic of course, after the heavy chapters involving quantum mechanics! (Sir James Hopwood Jeans.)

 

J’ignore si les oulipiens se sont penchés sur cette intéressante contrainte. Toujours est-il qu’elle a stimulé la verve littéraire de quelques virtuoses. Un certain Maurice Decerf a ainsi composé un poème permettant de retenir cent vingt-six décimales de Pi (un mot de dix lettres ayant la valeur de 0). Notons qu’à en croire une discussion sur Wikipédia, l’existence de ce monsieur serait sujette à caution (auquel cas on ignore qui se cache derrière ce pseudonyme). Il existe du reste au moins deux variantes de ce poème, qu’on trouvera reproduites ci-dessous.

Il ne saurait toutefois rivaliser avec le tour de force du mathématicien américain Michael Keith, dont le livre Not a Wake ne compte pas moins de dix mille mots (!), correspondant aux dix mille premières décimales de Pi. L’ouvrage est divisé en dix sections de mille mots, chacune illustrant un genre différent (poèmes, nouvelles, haïkus, scénario de cinéma…).

 

Que j’aime à faire apprendre un nombre utile aux sages.
Glorieux Archimède, artiste ingénieur !
Toi, de qui Syracuse aime encore la gloire,
Soit ton nom conservé par de savants grimoires.
Jadis, mystérieux, un problème existait.
Tout l’admirable procédé, l’œuvre étonnante !
Que Pythagore découvrit aux anciens Grecs :
Ô quadrature ! Vieux tourment du philosophe !
Sibylline rondeur, trop longtemps vous avez
Défié Pythagore et ses imitateurs !
Comment intégrer l’espace plan circulaire ?
Former un triangle auquel il équivaudra ?
Nouvelle invention : Archimède inscrira
Dedans un hexagone ; Appréciera son aire
Fonction du rayon. Pas trop ne s’y tiendra !
Dédoublera chaque élément antérieur ;
Toujours de l’orbe calculée approchera ;
Définira limite ; enfin, l’arc, le limiteur
De cet inquiétant cercle, ennemi trop rebelle !
Professeur, enseignez son problème avec zèle.

***

Que j’aime à faire apprendre un nombre utile aux sages !
Immortel Archimède, artiste ingénieur,
Qui de ton jugement peut priser la valeur ?
Pour moi, ton problème eut de pareils avantages.
Jadis, mystérieux, un problème bloquait
Tout l’admirable procédé, l’œuvre grandiose
Que Pythagore découvrit aux anciens Grecs.
Ô quadrature ! Vieux tourment du philosophe !
Insoluble rondeur, trop longtemps vous avez
Défié Pythagore et ses imitateurs.
Comment intégrer l’espace plan circulaire ?
Former un triangle auquel il équivaudra ?
Nouvelle invention : Archimède inscrira
Dedans un hexagone ; appréciera son aire,
Fonction du rayon. Pas trop ne s’y tiendra :
Dédoublera chaque élément antérieur ;
Toujours de l’orbe calculée approchera ;
Définira limite ; enfin, l’arc, le limiteur
De cet inquiétant cercle, ennemi trop rebelle !
Professeur, enseignez son problème avec zèle !

[attribué à « Maurice Decerf »]


Vendredi 1 mai 2020 | Monomanies |

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