Henri-Jean Martin

Le Monde m’apprend la mort, à 82 ans, d’Henri-Jean Martin, grand historien du livre et de l’édition, domaine de recherche dont il fut le pionnier avec son maître Lucien Febvre (ils ont écrit ensemble l’Apparition du livre, ouvrage fondamental sur le sujet, paru en 1958).

J’avais lu avec beaucoup d’intérêt ses Métamorphoses du livre. Dans ce volume d’entretiens, Martin retrace son itinéraire intellectuel et professionnel. On y découvre un homme au caractère bien trempé, un chercheur formé à l’École des Chartes, épris de rigueur mais soucieux de décloisonner les disciplines et les savoirs. On y apprend mille choses passionnantes sur l’édition et les métiers du livre sous l’Ancien Régime, l’invention de l’imprimerie, son rôle dans la circulation des idées à partir de la Renaissance, la lente élaboration des dispositifs typographiques (pagination, découpage en chapitres et en paragraphes) qui ont abouti au livre tel que nous le connaissons.

Partant de là, Martin n’a eu de cesse d’élargir le champ de ses interrogations, en reliant l’histoire du livre à celle des pratiques culturelles, économiques et sociales. Il s’est notamment intéressé à la question de la « mise en texte » : soit comment la présentation matérielle du texte et l’évolution de ses supports (depuis les rouleaux manuscrits jusqu’à l’écran d’ordinateur) influent à chaque époque sur les manières de lire, les cadres mentaux et la construction des savoirs, mais aussi sur l’organisation sociale et la répartition des pouvoirs. De là, il envisageait d’étudier rien de moins que l’histoire de la communication humaine, travail de longue haleine qu’il semble avoir eu le temps de mener à bien avant de disparaître.

On trouvera également dans ces entretiens de nombreux aperçus, relevés parfois d’anecdotes croquignolettes, sur l’enseignement et la recherche, le mandarinat du monde universitaire, le fonctionnement interne des bibliothèques et leurs rapports parfois conflictuels avec les administrations dont elles relèvent.

Les propos de Martin sont denses mais toujours clairs et non dénués d’humour ni de provocation tranquille - tandis que ses interviouveurs n’évitent pas toujours le péché mignon de pédantisme.

Henri-Jean MARTIN, les Métamorphoses du livre. Entretiens avec Jean-Marc Chatelain et Christian Jacob. Albin Michel, Itinéraires du savoir, 2004, 297 p.

Addendum (11/02) : quelques liens vers d’autres articles consacrés à H.-J. Martin ici.


Mardi 23 janvier 2007 | Bibliothèques, Le monde du livre |

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