De la listomanie considérée comme un moyen de vaincre l’insomnie

Vous savez combien les nuits peuvent être étouffantes à New York, au mois d’août, quand tout le monde en bave. […]
À une heure, j’avais pris une douche froide. Après quoi je m’étais récité la composition des six équipes de baseball parmi les huit formations nationales sélectionnées au début des années trente. À deux reprises, j’avais tenté de dresser mentalement la liste des pépées qui m’avaient honoré de leurs faveurs et, à présent, je passais en revue la nomenclature des armes portatives américaines les plus courantes. J’étais même allé jusqu’à allumer la lampe et j’avais lu pendant une demi-heure, mais en vain. Je continuais à mijoter dans mon jus. J’étais toujours éveillé ; je pensais toujours à elle. […]
Non. C’est une question que je ne me posais pas. Je ne souhaitais qu’une chose : trouver le sommeil. Je commençai l’énumération des joueurs qui composaient la ligne d’avant dans l’équipe des Chicago Bears en 1940 : Stydahar, Arteo, Fortman, Musso, Plasman, Turner, Bray, Wilson, Fortman… Mais n’avais-je pas déjà cité Fortman ? J’éprouvai presque du plaisir à entendre grelotter le téléphone.

David Markson, Épitaphe pour une garce (Série noire no 1510).


Les Chicago Bears en 1940


Dimanche 6 mai 2007 | Grappilles, Monomanies |

3 commentaires
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Ah! Vous avez donc trouvé ce Markson… Je l’ai dans la pile à lire (en vo), un commentaire sur le livre?

Commentaire par Fausto 05.06.07 @ 11:44

Le premier chapitre est magnifique. La suite, un polar d’honnête facture. Contrairement à Crawford dans Gascoyne, Markson n’a pas cherché à repousser les limites du genre. Il travaille avec assez de savoir-faire à l’intérieur de son cadre, de ses conventions et de ses stéréotypes. J’ignore ce que le roman noir représentait pour lui, vous en savez sûrement plus que moi là-dessus : travail alimentaire (je n’ai rien contre), galop d’essai ou exercice de style.

Commentaire par th 05.06.07 @ 7:49

Je déconseille fortement la méthode du narrateur : tenter de reconstituer des listes ne favorise guère le sommeil, bien au contraire : cela exige de la concentration, incompatible avec l’assoupissement. Mieux vaut laisser dériver son imagination en associant des éléments complètement disparates…

Le pénétrant Boris Donné a consacré voici deux ans un article au sujet des listes : ici.
Et, hem, j’ai moi-même commis un petit billet sur ce thème, exactement à la même époque : (je me permets de recommander chaudement l’écoute du premier extrait, fortement propice au fou rire…)

Commentaire par George Weaver 08.27.12 @ 6:33



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