Un dernier pour la route

La nuit est fort avancée, et nos héros — qui sont du genre à balancer gravement entre chablis et beaujolais au petit déjeuner — sont aussi entamés que dans un polar de Jonathan Latimer. Et voici le coup de grâce.

Une petite porte, un escalier étroit, tout décoré de gravures licencieuses (ce sont des reproductions), nous descendons. À la fin, en bas, au fond, c’est très logiquement une cave. Elle est spacieuse, enfumée, voûtée, et c’est une boîte de nuit classique : lumière sourde, tables pour tête-à-tête et sono impérialiste (Fuck the Queen, by the Sex Pistols). Sur une petite scène, une vraie blonde achève son strip-tease et, pas bien loin d’elle, Lenny Benway, assis, contemple son verre vide avec une mine profondément désabusée. Mes copines s’éclipsent. Benway m’invite à m’asseoir.
Il lui faut bien deux ou trois minutes pour s’ébrouer. Le temps nécessaire à la petite grosse, sur scène, pour achever son numéro. Benway, « Benway-le-Laid » comme dit Marc, est dans la réalité juste un peu plus délabré que sur les photos de presse.
— Merci d’être venu, lâche-t-il d’une voix éteinte.
Avais-je vraiment le choix ? Il hausse les épaules et fait signe au barman.
— Je reprends un bull-shot. Vous connaissez ? Deux tiers de consommé de bœuf, un tiers de vodka, une giclée de Worcester, un soupçon de tabasco, sel et poivre. Qu’en pensez-vous ?

Jean-François Vilar, Passage des Singes.
Presses de la Renaissance, 1984.


Vendredi 2 novembre 2007 | Le coin du Captain Cap |

2 commentaires
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J’avais complètement oublié cet usage de la sauce worcestershire (autrement que pour la vinaigrette). Merci.

Cordialement.

Commentaire par PCM 11.07.07 @ 11:51

Elle est indispensable aussi dans le tartare.

Commentaire par th 11.07.07 @ 4:41



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