Tout se paie. Sauvé de justesse de la prison par un avocat aussi rompu qu’Alan Shore et Denny Crane à l’art du sophisme juridique, Dortmunder n’a pas d’autre choix que d’accepter la proposition d’Anthony Chauncey : simuler un cambriolage chez ce riche play-boy et subtiliser une toile de maître dans le but d’escroquer l’assurance. Mais Chauncey compte aussi escroquer son voleur dans l’opération, lequel s’emploie donc à lui rendre la pareille. D’où il s’ensuit un affolant chassé-croisé de tableaux vrais et faux, qui culminera par une pantalonnade burlesque — en armures médiévales — dans un château écossais.
De tous les Westlake parus dans la Série noire, la Joyeuse Magouille est celui dont la révision du texte français s’imposait le plus : non seulement parce que cette quatrième aventure de Dortmunder avait subi des coupes spectaculaires (conformément au calibrage standard qui fut longtemps de mise au sein de la collection), mais encore parce que le traducteur avait cru bon de truffer le dialogue de termes d’argot à la Auguste Le Breton, déjà datés à l’époque et incompatibles avec le style et l’univers westlakiens — qui en devenaient méconnaissables.
De la première à cette nouvelle édition (rebaptisée Personne n’est parfait de manière plus conforme au titre original), « Je crois que j’ai un bon blot » est ainsi devenu « Je crois que je suis sur un bon coup » (un exemple parmi beaucoup d’autres), et le volume se trouve accru de près de cent pages — ce qui, même en tenant compte de la composition plus serrée de la Série noire, donne une idée de l’ampleur du charcutage. Qu’est-ce qui nous est restitué ? Des paragraphes et quelquefois des scènes entières, des développements sur le background des personnages, quantité de notations descriptives ou caustiques, ou encore les impayables conversations des habitués du bar et grill O.J. — où se réunissent Dortmunder et sa bande de bras cassés —, qui sont l’un des running gags de la série. En somme, tout ce qui, au-delà de l’intrigue, fait le sel et l’ambiance d’un roman de Westlake (et celui-ci, sans être le meilleur Dortmunder, est un excellent cru), tout ce qui fait qu’on a plaisir à le lire.
Donald WESTLAKE, Personne n’est parfait (Nobody’s Perfect). Traduction d’Henri Collat revue et complétée par Patricia Christian.
Rivages/Noir n° 666, 2007, 341 p.
2 commentaires
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La nouvelle de Voleurs à la douzaine est formidable. Quant aux romans, mon palmarès serait : Pierre qui brûle, Pourquoi moi ? Histoires d’os, Au pire qu’est-ce qu’on risque. En bonus, Le ciel t’aidera ? et Surveille tes arrières. Dégât des eaux est excellent mais tire un poil en longueur.
Commentaire par th 08.29.12 @ 1:06
Cette retraduction était en effet des plus indispensable : il me semble que c’est dans La joyeuse magouille que Tiny avait été rebaptisé en son équivalent français, Tou-P’ti (!)
Quant à désigner le meilleur Dortmunder, voilà qui paraît fort difficile…
Commentaire par George Weaver 08.28.12 @ 4:15Je dirais pour ma part Dégât des eaux et Le ciel t’aidera ?, avec une mention spéciale pour la nouvelle de Voleurs à la douzaine où Dortmunder venu cambrioler une banque se fait prendre en otage par un gang de cambrioleurs déjà présent sur les lieux.