Qu’est devenu le Mount Everest Trio ? demandions-nous voici quelque temps. Eh bien des nouvelles nous sont parvenues de Suède de manière inattendue, d’où il ressort que ses membres n’avaient en réalité jamais cessé d’être actifs sur la scène suédoise. Récemment, Conny Sjökvist a dû malheureusement poser ses baguettes pour raisons de santé ; mais Gilbert Holmström et Kjell Jansson continuent de se produire et d’enregistrer, ensemble ou séparément.
Fraîchement sorti des presses, The Mandelbrot Set les réunit tous deux dans le quartet du saxophoniste, qui compte également dans ses rangs le tromboniste Pider Åvall et le batteur Anders Söderling. Le titre de l’album fait référence à une fractale découverte par le mathématicien Benoît Mandelbrot (la pièce la plus abstraite du disque, Som vindar, semble en effet évoquer quelque mystérieux objet mathématique en forme de méduse flottant dans un espace éthéré), dans laquelle les quatre musiciens voient une métaphore de leur pratique, placée sous le signe conjoint de l’ordre et du chaos : « L’ordre engendre des formes, le chaos la variété. L’ordre seul est monotone, le chaos seul est confusion ». À la jonction de l’un et l’autre, les séduisantes compositions de Holmström, très élaborées dans leur complexité rythmique et leurs harmoniques intrigantes (Blues for NYCF ou Press All Buttons), servent donc de tremplin aux impros post-bop des solistes, qui s’élancent parfois jusque dans les parages du free. Au passage, le quartet rend un court et bel hommage à Mingus avec Charles Not Charlie, où le solo inaugural de Jansson, les motifs et l’alliage des timbres installent un climat tout à fait mingusien, période Ah Um, sans verser dans le pastiche. Trente ans après Waves From Albert Ayler, Holmström reste un ténor énergique et mordant (on l’entend aussi à la trompette), aux solos remarquablement charpentés, tandis qu’Åvall se révèle un tromboniste plein d’intérêt maîtrisant toutes les ressources de son instrument, depuis le classique effet de coulisse jusqu’aux grondements modulés. Çà et là néanmoins, le groupe semble se retenir de donner « toute la gomme », de sorte que ce disque en studio mériterait d’être prolongé par un enregistrement en concert, plus brut de décoffrage.
Le dernier morceau de The Mandelbrot Set est dédié à Don Cherry, qui vécut en Suède dans les années 1970-1980 et fut une figure tutélaire pour deux générations de modernistes. En témoigne The Thing, construit pour l’essentiel autour de quatre pièces de Cherry, où le poly-instrumentiste Mats Gustafsson (de trente ans le cadet de Holmström) se trouve à la tête d’un trio free surpuissant, branché sur le 220 volts. Capable de construire un solo fascinant rien qu’en faisant circuler et palpiter son souffle dans le corps de son instrument, Gustafsson déchaîne le plus souvent un formidable ouragan sonore, propulsé par la basse d’Ingebrigt Haker Flaten et surtout la batterie aussi torrentueuse que précise de Paal Nilssen-Love, qui est, à 34 ans, l’un des prodiges de sa génération. Grandiose.
Gilbert HOLMSTRÖM Quartet. The Mandelbrot Set. ELD Records (2006-2007).
On peut écouter deux morceaux sur le site du groupe. Et deux extraits de concert sur Youtube.
Mats GUSTAFSSON, The Thing. Crazy Wisdom (2000).
Gustafsson et Nilssen-Love ont aussi cosigné un réjouissant disque bruitiste dont le titre annonce la couleur : I Love It When You Snore (Smalltown Supersound). Courts extraits ici.
2 commentaires
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Oups, la bourde. Je corrige illico. Merci !
Et merci pour les infos disque + concerts.
Johansson, Parker, Flaherty : pas besoin d’en dire plus. Je tâcherai d’y être.
grâce à l’ami tatum (http://susauvieuxmonde.canalblog.com/ ) je viens de découvrir ‘locus solus’: riche, plein de découvertes et tellement bien écrit… MERCI!
juste préciser que paal nilssen-love né en 1974 a donc à ce jour plutôt 34 ans que 24… (ce qui, j’en conviens, ne change pas grand chose sur le fond)
et rebondir sur un mini-festival qui se déroulera à la zaal belgië de hasselt (pas trop loin de liège) où l’on pourra pendant 2 soirs, les 23 et 24 mai prochains, voir à l’oeuvre deux ou trois générations de musiciens ‘free’ ou post-free : sven-ake johansson, evan parker, chris corsano (autre grand grand batteur trentenaire), son comparse le grand schtroumpf saxophoniste paul flaherty, le contrebassiste john edwards, la saxophoniste libanaise christine senhaoui, la violoncelliste helena espvall… “and much much more”…
> “volledige programma” (+ d’infos) >
sinon, the thing ont aussi enregistré avec joe mc phee et le groupe de rock norvégien cato salsa experience un très bon disque de reprises plutôt rock: ‘two bands and a legend‘
>
bonne continuation / à bientôt à hasselt ou sur ces pages!
Commentaire par ph!L 05.11.08 @ 3:17