Deux livres de Julian Barnes

Recueil de chroniques sur la France, sa vie de province, sa gastronomie, ses courses cyclistes, sa littérature et son cinéma, ses peintres et ses chanteurs. Le chapitre sur Godard et Truffaut  est assez décevant. Barnes est bien plus à son affaire lorsqu’il parle littérature : Baudelaire, Mallarmé, et surtout deux cents pages passionnantes sur Flaubert, évoqué à travers sa correspondance et ses carnets de travail. Le tout se conclut par un article épatant sur le statut du personnage secondaire au sein d’une composition romanesque, à travers l’exemple de la destinée du Justin de Madame Bovary, dont Barnes montre qu’elle est une sorte de miroir en réduction du roman tout entier, conçu pour passer pratiquement inaperçu, comme un détail caché dans une fresque et qui la résume tout entière. Un modèle de narratologie appliquée comme elle devrait toujours l’être : aussi passionnante qu’une enquête de Sherlock Holmes, attentive au texte, non jargonnante, et riche d’enseignements.

Il y a, dans Quelque chose à déclarer, une page hilarante sur la difficulté de réussir une recette by the book ; on croirait se voir soi-même à l’oeuvre aux fourneaux. C’est tout le sujet d’Un homme dans sa cuisine, où Barnes raconte ses angoisses, ses réussites et ses échecs culinaires. Le titre anglais, The Pedant in the Kitchen, est beaucoup plus drôle et en accord avec le ton du livre. Car l’humour de ces chroniques vient de ce que le pédant en question est au fond victime d’une déformation professionnelle : celle du littéraire qui ne peut s’empêcher d’envisager une recette comme un texte, justiciable d’une lecture aussi serrée que, disons, un sonnet de Mallarmé — fatale erreur. Si vous êtes un anxieux obsessionnel ; si vous aimez faire la cuisine sans prédisposition particulière pour l’invention personnelle et que vous êtes donc obligé de confier votre sort à des livres de recettes ; si vous vous êtes régulièrement arraché les cheveux devant l’imprécision ou les contradictions flagrantes des dites recettes en essayant de les suivre à la lettre (la cuillerée, rase ou bombée ?), alors ce livre savoureux est pour vous.

 

Julian BARNES, Quelque chose à déclarer. Traduction de Jean-Pierre Aoustin. Gallimard, Folio n° 4242, 2005, 410 p.
Un homme dans sa cuisine. Traduction de Josette Chicheportiche. Mercure de France, 2005, 153 p.


Lundi 26 septembre 2005 | Au fil des pages |

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