Bel exercice d’écriture à contrainte. On imagine l’espion aux abois dans sa chambre d’hôtel, en train de compter ses mots et de multiplier désespérément les chevilles pour parvenir à caser un parce que ou un finalement en cinquième ou en dixième position.
Au début de l’année 1937, j’ai considéré que Sonny avait acquis suffisamment de savoir-faire pour partir en Espagne. Lors de notre dernier rendez-vous, sur le banc de Regent’s Park où nous nous étions rencontrés la première fois, je lui ai donné une feuille de papier de riz très fin. À gauche, sur une colonne, j’avais noté la liste des choses qui nous intéressaient : chars, camions, chantiers de réparation, aéroports, bombardiers, chasseurs, artillerie, mortiers, mitrailleuses, bataillons, régiments, division, conseillers allemands ou italiens, pilotes allemands ou italiens. À droite, j’avais inscrit une liste de mots anodins : parce que, finalement, temps, incroyable, savoureux, crépuscule, déjeuner, ce genre de choses. Je lui ai donné l’ordre d’envoyer chaque semaine une lettre d’amour à Mlle Dupont, au 79, rue de Grenelle à Paris. Il placerait un mot codé tous les cinq mots de la lettre. S’il voulait faire savoir qu’il avait vu dix-huit chars dans un chantier de réparation, le cinquième mot de la missive serait 18, le dixième serait parce que, le quinzième, temps.
Robert Littell, Philby. Portrait de l’espion en jeune homme.
Traduction de Cécile Arnaud. Baker Street, 2011.
2 commentaires
Laisser un commentaire
Un projet que apprécierez je suis sûr : http://undergroundnewyorkpubliclibrary.com/
Bonne journée
Salutations grenobloises !
Quentin D.
Commentaire par Quentin D. 07.08.12 @ 11:12