Le triangle d’or



Encore une fois encore on a déambulé dans ce triangle magique dont les trois sommets sont Waterstones sur Gower Street, le merveilleux London Review Bookshop près de Bloomsbury Square (un rêve de petite librairie, qui fait aussi café), et le métro Leicester Square. Triangle qui se trouve ainsi englober Charing Cross Road, ses librairies et bouquinistes. Beaucoup d’entre eux ont fermé leurs portes ces dernières années, y compris, sic transit, la librairie Murder One, providence des amateurs de polars ; mais la rue a encore de beaux restes et, dieu merci, Foyles et ses quatre étages sont toujours debout, fabuleuse caverne d’Ali-Baba dont on ne connaît pas d’équivalent ailleurs, et où l’on peut fureter des heures sans voir le temps passer. Bref, on s’est retenu à quatre mains pour ne pas repartir avec une valise supplémentaire de livres et l’on s’est limité modestement à quelques ouvrages, neufs ou d’occasion.

— Deux monographies complémentaires sur le Turinois Carlo Mollino, architecte, décorateur, designer, photographe, érotomane, passionné de ski, d’aviation et d’engins de vitesse, dont la figure excentrique et secrète continue de fasciner.
— Un recueil d’articles, parus dans les années 1930-1940, de Cyril Connolly, The Condemned Playground, qui ne sera probablement jamais traduit en français. Sa verve perspicace est pourtant bien roborative, ses remarques sur la vie littéraire et l’exercice du métier de critique en temps de surproduction éditoriale (déjà) n’ont pas pris une ride, et l’article « More about the Modern Novel », épinglage assassin des clichés du roman de consommation courante, pourrait resservir à chaque rentrée littéraire.
The Moving Toyshop, whodunit désinvolte et amusant d’Edmund Crispin qu’on s’était promis de lire.
— Une plaquette, A Life with Books, où Julian Barnes évoque comme l’annonce le titre sa vie parmi les livres, depuis ses lectures de jeunesse jusqu’à ses expéditions chez les bouquinistes de province. Chacun s’y reconnaîtra.
— Enfin, un ouvrage dont on rêvait qu’un connaisseur l’écrive un jour, The Jazz Standards. D’After You’ve Gone à You’d Be So Nice to Come Home to, Ted Gioia passe au peigne fin plus de deux cent cinquante compositions du répertoire : récit de leur genèse, mise en contexte, analyse musicale succincte, fortune auprès des jazzmen, interprétations mémorables. On n’a fait qu’en commencer la lecture, mais on est ravi d’y trouver déjà un éloge de Burt Bacharach, et puis une remarque incidente sur le goût des jazzmen pour les titres-palindromes. On savait qu’il fallait lire Airegin de Sonny Rollins à l’envers (Nigeria), mais on n’y avait jamais pensé pour Ecaroh d’Horace Silver (pourtant flagrant), Emanon de Dizzy Gillespie (No Name), Eronel de Thelonious Monk (Lenore, prénom d’une ex-petite amie de Sadik Hakim), et on ne connaissait pas ces deux compositions de Miles Davis, Selim et Sivad. Étonnant, non ?



5 commentaires
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Je l’ai lu, le Crispin. C’est très plaisant, avec des passages franchement hilarants - mais quelques longueurs et une énigme vraiment abracadabrante. Je me suis ensuite mis à la traduction du livre, pour voir… et là, les choses sont comme toujours moins évidentes.

Commentaire par hrundi V. Bakshi 11.24.12 @ 3:05

J’arrive au bout. Tout à fait de votre avis. Ce n’est vraiment pas l’intrigue tirée par les cheveux qui fait le sel de la chose mais tous les à côtés, les dialogues saugrenus, les clins d’oeil au lecteur et allusions littéraires surgissant aux moments les plus incongrus, etc. De fait, ce type d’humour léger doit être très difficile à rendre en traduction.

Commentaire par th 11.24.12 @ 4:40

C’est beau mais il faut maîtriser la langue anglaise…

Commentaire par Alcapone 11.24.12 @ 5:14

Y a t’il, dans “The Jazz Standards”, une page (ou deux) sur “You Go To My Head” ? (dont j’ai accumulé je ne sais combien de versions) ?
Anyway, les références de l’ouvrage me feraient bien plaisir.

Commentaire par Raminagrobis 11.25.12 @ 3:37

Oui, deux pages.
Référence du livre : Ted Gioia, The Jazz Standards. A Guide to the Repertoire. Oxford University Press, 2012. ISBN 978-0-19-993739-4.
http://ukcatalogue.oup.com/product/9780199937394.do#.ULIqEmfiUQ4

Commentaire par th 11.25.12 @ 4:26



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