Out of Nowhere

Warne Marsh est mort sur scène en 1987, alors qu’il interprétait Out of Nowhere. Une fin étrangement emblématique pour un musicien dont le timbre sans vibrato, aussi singulier qu’immédiatement reconnaissable, semble en effet surgir de nulle part, et qui aura passé l’essentiel de sa vie dans les clubs de jazz en creusant son sillon dans une tranquille indifférence aux modes. Disciple de Lennie Tristano, Marsh est l’un des rares saxos de sa génération à avoir contourné l’influence écrasante de Charlie Parker pour s’inventer un langage totalement personnel, dont les harmonies obliques et subtiles se déploient en longues volutes aériennes. Sa discographie restant on ne peut plus lacunaire, toute réédition est la bienvenue, et celle de Ne Plus Ultra (1969) tout particulièrement puisqu’il s’agit d’un des meilleurs disques de ce grand unsung hero de l’histoire du jazz.

De Lee Konitz à Pete Christlieb en passant par Art Pepper, Marsh a toujours affectionné le dialogue avec un second souffleur. Il trouve ici en l’excellent Gary Foster un coéquipier idéal. Leurs dialogues fugués où le ténor et l’alto se croisent, s’éloignent, se rejoignent et s’entremêlent sont merveilleusement grisants (cf. par exemple la superbe intro en apesanteur de You Stepped Out of a Dream). Le reste du programme comprend une poignée de chevaux de bataille sur lesquels Marsh a inlassablement improvisé toute sa vie, soit deux compositions de son maître Tristano, Lennie’s Pennies (sur les accords de Pennies From Heaven) et le toujours enchanteur 317 E. 32nd (dérivé, le revoici, de Out of Nowhere), et une pièce de son ex-partenaire Konitz, Subconscious-lee (réécriture de What Is This Thing Called Love), avant un grand morceau d’improvisation collective, Touch and Go (qui rappelle au passage que Marsh participa aux deux premiers morceaux free à avoir été gravés sur disque, Intuition et Digression, en 1949, avec Tristano). En brève coda, une Invention de Bach, où Marsh et Foster prennent congé sur un dernier canon qui est comme la quintessence de leur art : l’élégance et l’intelligence au service d’une émotion pure, filtrée de tout sentimentalisme.

Warne MARSH Quartet, Ne Plus Ultra. HatOLOGY 603.


Jeudi 12 octobre 2006 | Dans les oneilles |

Pas de commentaire
Laisser un commentaire



(requis)

(requis, ne sera pas affiché et restera top secret)