L’hiver, le plein hiver, ce fut notre saison spacieuse,
de nuit en nuit la reconduction des prodiges :
dès que nous baissions les paupières, où étions-nous ?
où nous allions, nous n’étions pas des étrangers ;
nous partions en voyage, et la preuve,
au retour, ces fleurs, ces hautes vagues qui vacillent,
sur les carreaux le gel avait saisi notre buée,
et nous réalisions l’œuvre nocturne
sans nous y ajouter, en approchant la bouche,
en laissant ruisseler le givre, la lumière
rutiler, nous esquissions alors d’un doigt timide,
peu à peu enhardi, un arbre ou un oiseau,
nous lui donnions dans le jardin le profil d’un navire.
Incessamment coïncideront le bas de la page,
la fin du voyage, le port ni le royaume,
nous ne les possédons, mais l’esprit libre de l’enfance
au creuset du sommeil, au cours des années aussi bien,
persiste malgré nous et nous déborde.Pierre Dhainaut, l’Autre Nom du vent.
L’Herbe qui tremble, 2014
Pas de commentaire
Laisser un commentaire