Brocante d’hiver

Les marchands déballent vers les quatre heures du matin. Il a gelé durant la nuit. Les objets et les livres sont recouverts d’une fine pellicule de givre. Les doigts s’engourdissent de froid rien qu’à moissonner dans les caisses des bouquinistes. Deux trouvailles.

— J’avais oublié que Pauvert avait édité Sagan. Voilà une rencontre inattendue et donc intrigante. Pauvert en aurait peut-être dit un mot dans le second volume de ses mémoires, annoncé et jamais écrit. On lira ce Sagan-là avec curiosité.

— Un 10/18 que je n’avais jamais vu passer. Il s’agit d’un recueil d’essais que Maurice Nadeau avait publié en 1965 dans sa collection « les Lettres nouvelles ». Le nom d’Hans Magnus Enzensberger est à jamais lié pour moi à Journal intime de Nanni Moretti, où je l’entendis prononcer pour la première fois. Rappelez-vous. Dans un café, en attendant de passer sa commande, Moretti revoit à la télé l’inoubliable mambo de Silvana Mangano dans Anna de Lattuada, et se met à danser de conserve. Peu après, il rejoint sur la terrasse son compagnon de voyage, Gerardo (Renato Carpentieri), professeur téléphobe et bougon à qui il décrit la séquence. Gerardo coupe court, agacé :

GERARDO : Tu te rappelles ce qu’Hans Magnus Enzensberger a dit de la télévision…
MORETTI : Euh…
GERARDO (d’un ton définitif) : Eh bien, je pense comme lui.

Sur le moment, « Hans Magnus Enzensberger » m’avait paru une telle caricature de nom d’intellectuel allemand pisse-froid que j’avais cru à une invention bouffonne de Moretti. Ce qui rendait la scène encore plus drôle. Quelque temps plus tard, je tombai sur un livre de lui dans la vitrine d’une librairie. « Ah ben mince, il existe vraiment ! »


Vendredi 30 décembre 2016 | À la brocante |

2 commentaires
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Pauvert a aussi édité Sagan chez Ramsay (La Femme fardée, qu’il aurait apparemment écrit avec elle). C’est curieux, par ailleurs, d’avoir sur une couverture cette cohabitation de deux éditeurs…

Commentaire par hrundi v. bakshi 01.01.17 @ 3:55

Merci pour l’info. C’est l’époque où Pauvert, ayant cédé sa maison à Hachette, devint éditeur volant, s’associant le temps d’un ou plusieurs livres à d’autres maisons (Ramsay, Seghers, Carrère, Les Belles Lettres, etc.). Mais en effet, la mention de l’éditeur (au sens anglais) en couverture est un cas exceptionnel dans l’édition française.

Commentaire par th 01.01.17 @ 7:19



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