La vie en société

— Ma chère Charlotte, je n’aurais pas survécu en société pendant deux années entières si je n’avais pas appris à parler de tout, sauf de ce que je pense réellement.

*

— Il n’y a pas grand-chose à raconter, commença Christina aussitôt. Les jardiniers creusaient la terre pour planter une espèce d’arbuste quand ils ont découvert ces cadavres de bébés. Naturellement, ils ont appelé la police.
— Comment le savez-vous ? s’enquit Emily.
— Mais par les domestiques, ma chère ! Comment se tient-on informé de ce qui se passe en général ?

*

Augusta soupira.
— Quelquefois, Brandon, j’ai l’impression que vous affectez d’être obtus uniquement pour me contrarier.

*

Un instant, elle craignit qu’il ne recoure à la flatterie. […] Il ne semblait manifester aucun penchant pour la tromperie, ce qui était déjà singulier en soi. La vie en société voulait qu’on se dupe mutuellement, d’un commun accord.

*

— Ne soyez pas ridicule, s’exclama Emily. Ça n’a rien à voir avec son physique, c’est sa langue. On ne peut l’emmener nulle part : elle dit toujours ce qui lui passe par la tête. Demandez-lui son opinion sur un sujet et, au lieu de choisir une réponse appropriée, elle vous dira ce qu’elle pense réellement. Sans le vouloir, elle se saborderait au bout d’un mois, et ne parlons pas de nous ! Et puis Pitt n’est pas un gentleman. Il est beaucoup trop intelligent, pour commencer.
— Je ne vois pas pourquoi un gentleman ne serait pas intelligent, Emily, répliqua-t-il, acerbe.
— Mais tout à fait, mon cher, fit-elle avec un sourire. Seulement, il devrait avoir le bon goût de ne pas le montrer. Vous le savez très bien. Ça indispose les gens et ça implique un effort. Or il ne faut jamais avoir l’air d’accomplir un effort.

Anne Perry, le Mystère de Callander Square
(Callander Square, 1980).
Traduction de Roxane Azimi. 10/18, 1997.


Vendredi 2 août 2019 | Choses anglaises, Grappilles |

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