Un film inspiré d’un roman est une adaptation. Un roman tiré d’un film est une novellisation. Les lions sont morts de Mick Herron ressortit à un genre qu’on pourrait baptiser la prénovellisation : soit la novellisation d’un film qui n’existe pas (ou pas encore). Ce thriller plus scénarisé qu’écrit – malgré un effort de style qui sent l’effort – semble avoir été conçu en vue de sa future adaptation à l’écran. Depuis la construction en séquences, imitant le montage parallèle des actions, jusqu’au final spectaculaire au sommet du plus haut gratte-ciel de Londres, on éprouve à le lire le sentiment de visionner une minisérie d’espionnage anglaise en six épisodes.
C’est une impression qu’on ressent plus en plus souvent à la lecture de thrillers, soit que leur auteur soit aussi scénariste (par exemple, Tout se paye de George Pelecanos, qui m’était tombé des mains), soit qu’il soit manifestement nourri de séries télé plus que de littérature.
Mick Herron n’est tout de même pas dénué de talent. L’aspect le plus intéressant de son livre tient à son côté John le Carré (sans la profondeur, l’épaisseur romanesque, la qualité d’écriture des meilleurs le Carré) : 1. La peinture des luttes de pouvoir au sein des services secrets britanniques. 2. La description de la « maison des tocards » (slough house), immeuble insalubre où sont mis au placard divers spécimens d’incompétence : nerds, cas sociaux, agents ayant foiré leur mission, qu’on espère dégoûter et pousser à la démission en leur confiant des travaux fastidieux d’analyse et d’archivage ; à la tête de cette équipe de bras cassés, un espion de la vieille école extraordinairement mal embouché. 3. Le retour inattendu des fantômes de la guerre froide dans le monde contemporain de la lutte contre le terrorisme.
Mick HERRON, Les lions sont morts (Dead Lions, 2013). Traduction de Samuel Sfez. Actes Sud, 2017.
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