Intactes et minuscules

Dans les livres d’occasion, on trouve des pense-bêtes, des billets de métro ou de cinéma ayant servi de signets, des coupures de presse, des listes d’épicerie, et même des feuilles d’arbres mises à sécher entre deux pages : émouvantes broutilles « intactes et minuscules », traces d’intimité, secrets qui vous prennent à témoin. Dans les ouvrages de bibliothèque, on trouve parfois ces vestiges d’une époque révolue que sont les fiches d’emprunt.

La fiche est une Madeleine. Elle réveille le souvenir de nos premières visites à la bibliothèque de quartier (la mienne était située au-dessus de la caserne de pompiers), le rituel mystérieux et fascinant des coups de tampon sonores (poum-poum), l’odeur d’encre et de vieux papier, le ballet des fiches quittant les livres pour un casier en bois posé sur le comptoir, puis les retrouvant au retour des ouvrages empruntés.

Mais la fiche oubliée est surtout riche d’enseignements sur la circulation et donc la vie des livres. Ainsi cet exemplaire du Cœur net de Chris Marker (Seuil, 1949), lu par quatre personnes en trois ans, n’avait plus été emprunté depuis le 15 septembre 1965, jusqu’à ce que ma demande auprès du prêt interbibliothécaire ne le tire du rayon où il sommeillait, à la Bibliothèque centrale provinciale du Hainaut. Ils suscitent décidément bien peu de curiosité, les débuts de romancier de Marker.


Lundi 15 septembre 2008 | Bibliothèques |

9 commentaires
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Dommage, d’autant que Marker a interdit la réédition de ce livre et qu’on ne peut guère le lire dans d’autres éditions (sinon une en Club en 1950).
Ne vous est-il pas venu à l’idée de partir à la recherche des lecteurs précédents?

Commentaire par Fantômas 09.23.08 @ 2:15

Oui, cela m’a traversé l’esprit. Mais plus de quarante ans ont passé, ils doivent être cacochymes ou au cimetière.

Commentaire par th 09.23.08 @ 9:57

J’adore également découvrir et voler ces petits morceaux d’intime oubliés dans les livres d’occasion et de bibliothèque. Je lis actuellement un Pléiade de Céline avec des dates d’emprunt qui remontent pratiquement à la sortie du volume en dans les 70’s.

É.

Commentaire par ÉLias_ 09.23.08 @ 9:05

Il y a là une mine graphique (réaliser des collages de tous ces menus «documents » collectionnés au fil des ans) ou scénaristique pour une BD (à partir de ces traces, le personnage retrouve la trace de gens perdus de vue de longue date, ou reconstitue un crime ancien, façon Blow Up). Au boulot !

Commentaire par th 09.25.08 @ 10:30

Il faudrait que Paul Auster me scénarise ça…

E.

Commentaire par ELias_ 09.25.08 @ 11:36

Bonjour,
je suis à la recherche de ce livre.
Sauriez-vous où je pourrais me le procurer ou simplement le consulter.
D’avance merci
stef

Commentaire par vitali stef 12.02.10 @ 4:51

Ce livre est devenu très rare. Il est conséquemment très cher quand d’aventure il passe en librairie d’occasion. Par exemple, sur livre-rare-book.com, un libraire qui ne se mouche pas dans sa cravate en vend présentement un exemplaire à deux cents euros.
Comme je le dis plus haut, je l’avais emprunté à la bibliothèque municipale, via le prêt inter-bibliothèques.

Commentaire par th 12.03.10 @ 12:21

Bonjour,
Je suis tombé sur votre blog en cherchant la photo d’une fiche d’emprunt et je n’ai pas été déçu ! Je suis en train d’écrire un article sur l’utilisation des métadonnées et fais notamment une analogie avec ces fameuses fiches qui, comme vous le dites si bien, sont riches d’enseignements. Serait-il possible d’utiliser la photo que vous avez prise de cette fiche dans mon article ? J’y préciserai bien entendu la source avec un lien vers ici.
Dans l’attente de votre réponse,
Fred

Commentaire par Fred - FLQ 12.04.13 @ 11:29

[…] ! Outre un formidable témoignage de la vie du livre (voir à ce propos le magnifique billet de Thierry Horguelin dont je tire la photo ci-dessus), les plus patients des bibliothécaires […]

Pingback par Métadonnées et ressources pédagogiques 03.10.15 @ 7:21



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