Un si doux visage


Claudine Roland (Claudine Steenackers, dite), comédienne (1891-1920)

19 janvier 1916

Ce qui intéresse le plus Claudine dans ma bibliothèque, ce sont les Œuvres de peintres, les recueils complets de photos, publiés en Allemagne. Tu sais qu’elle dessine très bien et qu’elle aurait pu facilement s’orienter de ce côté-là.
Un soir où je lui présentais le recueil de Botticelli, elle me dit :
« Je vais retrouver mon portrait là-dedans.
— Ton portrait ? tu n’es pourtant guère Botticelli.
— Si. Quand j’étais à Florence, les personnes qui me connaissaient allaient aux Offices pour y voir un Ange de Botticelli qui me ressemblait… Le voilà. »
Je regarde… et je trouve un portrait exact de Claudine. Le front, les yeux, le nez, la bouche, les cheveux, la forme du visage, tout était identique, jusqu’à un détail curieux : des sourcils minces, mais arqués et démesurément longs, faisant tout le tour de l’œil à une grande distance.
Et cette figure est la principale d’un groupe de trois anges dont j’avais en 1890 une photo de grandeur naturelle, encadrée, dans mon cabinet de la rue Vineuse ! Et j’en ai été amoureux à cette époque, deux ans avant la naissance de Claudine !
— de sorte que notre petite liaison actuelle s’explique par un « déjà vu », un souvenir de ma première jeunesse que je n’aurais pas songé à identifier moi-même si elle ne me l’avait inconsciemment rappelé.

Mille lettres inédites de Pierre Louÿs à Georges Louis, 1890-1917.


Dimanche 25 janvier 2009 | Les loisirs de la poste |

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