Accumulation 1
Arman et ses accumulations. Toujours la mesquinerie française. Trois ou quatre douzaines de joints de culasse et allez donc ! c’est une accumulation. Il y a quelques années, je tombai en panne dans un hameau du centre de l’Espagne où par bonheur se trouvait un garage. Le mécanicien diagnostiqua une rupture d’un joint de culasse. Je fus inquiet à la pensée de moisir plusieurs jours dans ce trou en attendant la pièce qui correspondait à la marque de mon véhicule. Mais l’homme eut tôt fait de me rassurer ; il me conduisit dans un vaste atelier où, du plafond, pendaient comme des jambons cinq ou six mille, au bas mot, joints de culasse. Nous ne perdîmes que quelque temps à trouver le bon, dans cette généreuse et authentique accumulation. Et quel spectacle !
Jean Schuster, T’as vu ça d’ta fenêtre,
Manya, 1990.
Faire-part
J’étais mort et je n’en savais rien, c’est un courrier de l’administration fiscale qui me l’apprend opportunément ce matin.
Ceci est une prière d’insérer
Le vingt-quatrième des quatre-vingt-dix-neuf Exercices de style est une parodie plus vraie que nature de prière d’insérer. On y lit, dans le style hyperbolique et creux propre à ce genre de prose, que le romancier X, « à qui nous devons déjà tant de chefs-d’œuvre », a traité son sujet « avec le brio qui lui est propre » et que son nouveau roman est buriné « avec un rare bonheur ».
À présent, le gag. Parmi les documents présentés à la Maison du livre dans le cadre de l’exposition Cent mille milliards de Queneau figure la prière d’insérer d’Exercices de style, qui fut adressée à la presse à la parution du volume en 1947. Et que lit-on sur ce petit feuillet ? Précisément le texte de l’exercice de style no 24.
Astucieuse mise en abyme, et joli trait d’autodérision de la part de Queneau.
Merci à Christian Hublau pour la numérisation du document.
L’exposition Cent mille milliards de Queneau est visible jusqu’au 31 janvier. Tous les détails sur le blog de l’expo.
George, on t’embrasse !
Décidément, cet homme est parfait.
Entretien avec George Clooney,
Propos recueillis par Tina Johnk Christensen,
Télémoustique no 4380, 9-15 janvier 2010.
Janvier
Janvier, en France, est le premier mois de l’année depuis une décision de Charles IX. Il a trente et un jours. Chez les Romains, Janus lui ouvrait les portes. (C’était le dieu des concierges. Le mois lui était consacré.) Chez les Gaulois, les druides agiles cueillaient le gui à la cime des chênes, en chantant des chansons bretonnes (et non pas la Chanson de Roland).
Janvier est plein de neige, de vent, de nuit, de loups. On y fête le jour de l’an, l’adoration des Mages et la Saint-Charlemagne. C’est en janvier, sous le Roi-Soleil, que l’homme inventa la première machine à écrire, et que Landru, qui reste dans l’histoire comme le type du faux affectueux, brûla sa dernière victime dans un poêle à trois trous sans valeur commerciale : le vent soufflait et l’ombre de sa barbe dansait sur le mur de la cuisine.
On croit savoir que les enfants sages recevront des étrennes utiles, et même des étrennes inutiles, parmi lesquelles toutes sortes de fusées cosmiques qui seront d’un effet désastreux.
Les jours seront courts, parce que les nuits seront longues. L’emploi des appareils électroménagers y remédiera fort heureusement. Si vous êtes épuisée par une journée fatigante, au moment d’aller vous coucher, faites un bœuf mode qui ne vous prendra que quarante minutes avec la « cocotte sous pression » ; il vous fera gagner trois heures. Consacrez-les à un repos réparateur.
Une bonne lessive, au même moment, peut vous faire gagner deux grandes heures ; en achetant un prêt-à-porter vous gagnerez quarante-cinq minutes. Vous finirez par avoir trop de temps.
Alexandre Vialatte, Almanach des quatre saisons
(rédigé pour Marie-Claire entre 1960 et 1966).
Le piano désossé
On dirait toujours qu’il apprend à se servir de l’instrument et qu’il en est au mieux à sa deuxième leçon, mais le miracle de Monk, ce qu’il fait en réalité, c’est que, le piano, il va le chercher jusqu’à l’os, laissant l’ivoire aux pauvres.
Pierre Peuchmaurd, le Pied à l’encrier
Il n’y a que les poètes qui savent écrire sur le jazz. Voir aussi Jacques Réda et Puissances du jazz de Gérard Legrand.