Thelonious Monk et John Coltrane
Superbe concert, miraculeusement retrouvé dans les archives de la Bibliothèque du Congrès. Monk et Coltrane en toute grande forme et en accord télépathique, soutenus par une rythmique impeccable. On sent que Coltrane est à un tournant de son évolution, on vit ce grand événement en direct, c’est magnifique. Les thèmes, on les connaît par coeur, mais ils sont attaqués avec un mordant, une énergie joyeuse dont il y a peu d’équivalents dans la discographie monkienne. Bref, un chaînon manquant essentiel dans le parcours des deux compères. Et la prise de son est excellente, contrairement au seul autre «live» connu de ce quartet légendaire (Five Spot Café, 1958), qui donnait l’impression d’avoir été enregistré clandestinement derrière la porte de la sortie de secours.
Thelonious Monk Quartet with John Coltrane At Carnegie Hall. Blue Note.
Solosolal
Qui c’est qui, d’un magma d’accords, fait émerger un french cancan d’Offenbach avant d’en tirer, comme un lapin hors d’un chapeau, On Green Dolphin Street ?
Qui c’est dont les doigts courent sur les touches comme l’écureuil fou de Tex Avery ?
Les medleys, c’est souvent assommant. Mais qui c’est qui peut se lancer dans un pot-pourri de Gershwin en donnant l’impression qu’il rencontre les thèmes le plus naturellement du monde au hasard d’une libre promenade sur le clavier, le temps de les triturer, les déconstruire, les reconstruire à l’envers, les envoyer en l’air, les rattraper au vol et leur dire au revoir parce qu’un autre vient d’entrer en scène ?
Qui c’est qui peut transformer des thèmes aussi usés que Tea for Two ou Have You Met Miss Jones en un feu d’artifice permanent d’invention, de dérapages contrôlés et d’humour ?
Et improviser sur Corcovado en changeant de mode ou de ton toutes les trois mesures ?
C’est Martial Solal en concert solo, vendredi dernier à Bruxelles, et j’en suis encore baba.