Henry « Red » Allen

Une très chouette découverte. La réputation de Henry « Red » Allen (deuxième meilleur trompettiste de son temps après Louis Armstrong) n’est pas usurpée. L’influence d’Armstrong, qui régnait alors sans partage, est inévitable (quel musicien ne l’a pas subie en son temps ?), mais Allen s’en est tôt affranchie pour voler de ses propres ailes, en cultivant une excentricité dont les traits imprévisibles tiennent l’oreille en alerte. Il se produit ici en petite formation avec d’autres membres de l’orchestre de Luis Russel, en particulier le merveilleux tromboniste J.C. Higginbotham et un altiste épatant, Charlie Holmes, qu’on dirait le petit frère de Johnny Hodges. Tout n’est pas égal, c’est le revers des intégrales - et il faut notamment se farcir quelques chanteurs/trices catastrophiques. Mais il y a là-dedans une poignée de perles pleines de fraîcheur et de vivacité. Les quatre premières plages en particulier (It Should Be You, Biff’ly Blues, Feeling Drowsy et Swing Out) sont des petits chefs-d’œuvre, superbement conçus et exécutés.

Henry « Red » ALLEN and His Orchestra 1929-1933. Classics 540.


Dimanche 26 février 2006 | Dans les oneilles | Aucun commentaire


Catherine Binet (1944-2006)

Catherine Binet est morte hier à Paris. Elle avait soixante et un ans. Celle qui fut la compagne de Georges Perec avait réalisé en 1980 un fascinant film-ovni qui mériterait d’être mieux connu, les Jeux de la comtesse Dolingen de Gratz, inspiré du très beau texte d’Unica Zurn, Sombre Printemps.

Elle ne réussit pas à monter son projet suivant, l’adaptation d’un texte exhumé par Michel Foucault, Herculine Barbin, dite Alexina B. Mais tourna néanmoins des courts métrages sur l’art, Trompe-l’oeil (1982), les Passages parisiens (1982), Jacques Carelman (1983), que je n’ai pas vus, - et réalisa en 1990 ce qui reste à ce jour le meilleur documentaire sur Georges Perec, Te souviens-tu de Gaspard Winkler ?

Elle avait publié il y a quelques mois un intéressant livre carnet de bord, les Fleurs de la Toussaint (paru chez un éditeur, Champtin, qui a malheureusement travaillé comme un cochon).

Voilà. Tristesse.


Mardi 21 février 2006 | Actuelles | 7 commentaires


Le New Jersey fait l’unanimité

C’était un sacré paysage, en effet. Ce n’est pas tous les jours qu’on voit un paysage pareil, à moins de posséder soi-même un des derniers remorqueurs en activité dans le port de New York. D’un côté, Manhattan, étroit couloir encombré de stalagmites ayant perdu leur grotte et exposés à l’air libre sans qu’on sache pourquoi, formant un décor aussi excentrique que spectaculaire. Regardez un peu toutes ces fenêtres ! Y a-t-il vraiment des gens derrière chacune d’entre elles ? Vous voyez tous ces immeubles, mais vous ne voyez absolument personne et, pourtant, vous ne pensez qu’à des êtres humains, et à quel point ils doivent être nombreux pour qu’il existe sur terre un tel paysage.
Voilà pour Manhattan. De l’autre côté, c’est le New Jersey… voilà pour le New Jersey.

Donald Westlake, Histoire d’os. Rivages/Noir n° 347, 1996.

Ils avaient maintenant quitté la laideur du New Jersey, et traversaient les paysages à couper le souffle de la Virginie.
- C’est magnifique ! souffla Lucia.
- Le New Jersey est fait pour ça - apprécier la beauté de la Virginie, expliqua Cassidy.

John Crosby, Pas de quartier ! 10/18 n° 2747, 1996.

Deux excellents polars, soit dit en passant.


Samedi 18 février 2006 | Grappilles, Rompols | Aucun commentaire


Georges Henein (visibilité limitée)

Denoël rassemble la quasi-totalité de l’oeuvre poétique et journalistique de Georges Henein (Le Caire, 1914 - Paris, 1973), en un fort volume d’un peu plus de mille pages. Le Monde se fend d’un grand papier sous la plume de Nicolas Fargues. Lequel loue à raison cette entreprise éditoriale et rappelle, au détour d’une incise, les efforts d’une poignée d’« éditeurs à la visibilité limitée » pour faire connaître, durant ces quarante dernières années, ce tout grand écrivain. « Éditeurs à la visibilité limitée » ! C’est charmant pour Corti, Minuit, La Différence, Le Mercure de France, Encres, Farrago… Et puis, la faute à qui ? Si le Monde et ses confrères de la « grande presse », comme on dit, s’intéressaient davantage à leur travail en temps et lieu, peut-être serait-elle moins limitée, leur « visibilité » ?


Vendredi 3 février 2006 | Actuelles | Aucun commentaire