Night and the City
La Montréal nocturne de 1947 ressemble à une ville de film noir aux premières minutes de Montreal by Night (Arthur Burrows et Jean Palardy). Et ce n’est pas sans plaisir qu’on déambule avec la caméra de la rue Sainte-Catherine au boulevard Saint-Laurent, en un temps que nous n’avons pas connu, quand les tramways circulaient encore : décor étrange et familier, dépaysé comme dans un rêve. À part quoi, ce court métrage obéit en tous points aux codes du travelogue, catégorie «Impressions d’une grande ville » — avec, comme il se doit, un commentaire souvent croquignolet : « But tonight, Colette is the same as any other Canadian girl : she wants to get married. » Prenez-en de la graine, jeunes Canadiennes.
On peut visionner le film sur le site de l’ONF ou encore, avec une qualité moindre, ici.
Dimanche en jazz 1
[audio:http://home.scarlet.be/~th046862/zk/de01a.mp3]
Duke Ellington and his Orchestra
Jungle Nights in Harlem
Freddie Jenkins, Arthur Whetsol, Cootie Williams (tp) ; Juan Tizol (vtb) ; Joe Nenton (tb) ; Johnny Hodges (sa) ; Barney Bigard (cl) ; Harry Carney (sb) ; Duke Ellington (p) ; Fred Guy (bj) ; Wellman Braud (cb) ; Sonny Greer (bt). New York, 4 juin 1930.
Jungle Nights in Harlem n’appartient pas nommément au répertoire ferroviaire du jazz, au même titre que Take the A Train (du même Ellington), Blue Train (Coltrane), Night Train (Oscar Peterson) ou Locomotive (Monk). Cependant, le riff entraînant qui surgit à la 45e seconde évoque à s’y méprendre la traction d’une locomotive, tandis que le decrescendo qui conclut la pièce suggère le ralentissement d’un train au moment de son entrée en gare, avant le jet de vapeur final. De tous les grands chefs d’orchestre – arrangeurs des années 1920-1930, Ellington est celui qui maîtrisa le mieux les contraintes de durée liées aux fatidiques trois minutes d’une face de 78 tours. Le morceau — comme beaucoup d’autres joyaux de l’époque — est impeccablement construit, à la façon d’un court métrage, a-t-on envie de dire; sa progression est irrésistible. Et les interventions de Freddie Jenkins à la trompette, d’une réjouissante extravagance, font souffler un vent de folie digne d’un cartoon de Tex Avery. Utterly exhilarating.
Ceci est une prière d’insérer
Le vingt-quatrième des quatre-vingt-dix-neuf Exercices de style est une parodie plus vraie que nature de prière d’insérer. On y lit, dans le style hyperbolique et creux propre à ce genre de prose, que le romancier X, « à qui nous devons déjà tant de chefs-d’œuvre », a traité son sujet « avec le brio qui lui est propre » et que son nouveau roman est buriné « avec un rare bonheur ».
À présent, le gag. Parmi les documents présentés à la Maison du livre dans le cadre de l’exposition Cent mille milliards de Queneau figure la prière d’insérer d’Exercices de style, qui fut adressée à la presse à la parution du volume en 1947. Et que lit-on sur ce petit feuillet ? Précisément le texte de l’exercice de style no 24.
Astucieuse mise en abyme, et joli trait d’autodérision de la part de Queneau.
Merci à Christian Hublau pour la numérisation du document.
L’exposition Cent mille milliards de Queneau est visible jusqu’au 31 janvier. Tous les détails sur le blog de l’expo.
George, on t’embrasse !
Décidément, cet homme est parfait.
Entretien avec George Clooney,
Propos recueillis par Tina Johnk Christensen,
Télémoustique no 4380, 9-15 janvier 2010.
Librairies du monde
Shakespeare & Co, Paris
Librairie Lello (Porto), établie depuis 1906 dans un immeuble Art Nouveau.
Calcutta
Librairie El Ateneo (Buenos Aires), installée dans un ancien théâtre devenu par la suite un cinéma.
Source et crédits photos
Résolution
En 2010, foi de Bruce Wayne, je me fais aménager cette bibliothèque façon batcave dans les sous-sols de mon manoir.
Source
Janvier
Janvier, en France, est le premier mois de l’année depuis une décision de Charles IX. Il a trente et un jours. Chez les Romains, Janus lui ouvrait les portes. (C’était le dieu des concierges. Le mois lui était consacré.) Chez les Gaulois, les druides agiles cueillaient le gui à la cime des chênes, en chantant des chansons bretonnes (et non pas la Chanson de Roland).
Janvier est plein de neige, de vent, de nuit, de loups. On y fête le jour de l’an, l’adoration des Mages et la Saint-Charlemagne. C’est en janvier, sous le Roi-Soleil, que l’homme inventa la première machine à écrire, et que Landru, qui reste dans l’histoire comme le type du faux affectueux, brûla sa dernière victime dans un poêle à trois trous sans valeur commerciale : le vent soufflait et l’ombre de sa barbe dansait sur le mur de la cuisine.
On croit savoir que les enfants sages recevront des étrennes utiles, et même des étrennes inutiles, parmi lesquelles toutes sortes de fusées cosmiques qui seront d’un effet désastreux.
Les jours seront courts, parce que les nuits seront longues. L’emploi des appareils électroménagers y remédiera fort heureusement. Si vous êtes épuisée par une journée fatigante, au moment d’aller vous coucher, faites un bœuf mode qui ne vous prendra que quarante minutes avec la « cocotte sous pression » ; il vous fera gagner trois heures. Consacrez-les à un repos réparateur.
Une bonne lessive, au même moment, peut vous faire gagner deux grandes heures ; en achetant un prêt-à-porter vous gagnerez quarante-cinq minutes. Vous finirez par avoir trop de temps.
Alexandre Vialatte, Almanach des quatre saisons
(rédigé pour Marie-Claire entre 1960 et 1966).