Cadeau pour l’an neuf

Dimanche 1er janvier sur la BBC One, à 21 h 10, heure du continent, coup d’envoi très attendu de la deuxième saison de Sherlock, avec un épisode, A Scandal in Belgravia, librement inspiré de la nouvelle Un scandale en Bohème. Mise en scène de Paul McGuigan, le meilleur des deux réalisateurs de la première saison. On piaffe.


Vendredi 30 décembre 2011 | Choses anglaises, Dans les mirettes | Aucun commentaire


8 Faces, quatrième


Parution du numéro 4 de l’excellente revue 8 Faces, dont on a déjà causé ici. Tout est dans le jeu de mots du titre, 8 Faces, c’est-à-dire huit visages mais aussi huit polices de caractères. Dans chaque numéro, huit professionnels du design graphique ou de la création typographique évoquent leur parcours et leur conception du métier avant de présenter leurs huit polices de caractères préférées. Parmi les invités de cette livraison, John Boardley, animateur du blog I Love Typography et fondateur de la très belle revue Codex lancée au printemps dernier, et Doug Wilson, réalisateur du documentaire Linotype : The Film, très attendu des typomanes, dont la sortie est annoncée pour février 2012. Craig Mod aborde le développement de l’édition numérique avec à la fois plus de pragmatisme et de hauteur de vue que les thuriféraires extatiques habituels — ce domaine m’indiffère mais au moins ça nous change. Il est enfin question des polices non latines et de leurs spécificités avec deux créateurs de caractères, le Tchèque David Brezina et la Libanaise Nadine Chahine, laquelle est responsable du secteur arabe chez Linotype et créatrice notamment de la police Koufiya ainsi que des versions arabes du Palatino et du Frutiger.



Mercredi 28 décembre 2011 | Choses anglaises, Typomanie | Aucun commentaire


Subliminal



Changement d’ère : la publicité en 1962 et en 1965.
Mad Men, deuxième et quatrième saisons.

Mad Men ne raconte pas seulement une tranche d’histoire américaine, le changement des mœurs et des mentalités dans la première moitié des années 1960, l’avènement de la société dite de consommation. Par la force des choses, la série chronique aussi en pointillé l’évolution du marketing et du design graphique. Au deuxième épisode de la quatrième saison se produit un événement quasi subliminal, par le biais d’une affiche punaisée à l’arrière-plan : l’arrivée de l’Helvetica, appelé à jouer le rôle qu’on sait dans l’affichage publicitaire et l’image de marque des grandes corporations.



Vendredi 23 décembre 2011 | Dans les mirettes, Typomanie | 1 commentaire


Sic transit

Feuilleton du vendredi matin. À quelle mise en scène se prêtera l’invendable squelette de la brocante, qui n’a toujours pas trouvé preneur sept mois après sa première apparition ?


Vendredi 23 décembre 2011 | À la brocante | Aucun commentaire


Les filiations secrètes


Barbet Schroeder, entretien à propos de Mad Men

Dans sa remarquable notice sur la Féline1, Jacques Lourcelles esquisse un parallèle imprévu entre Tourneur et Rossellini, en montrant comment leurs films dessinent une ligne de fracture essentielle entre le cinéma de l’avant et de l’après-guerre. Travaillant dans le sens d’une intériorisation du contenu du film, les deux cinéastes accomplissent chacun à sa manière une « révolution de l’intimisme ». Le cinéma va y gagner « une plus grande proximité, une plus grande intimité — quasi psychique — du spectateur avec les personnages, explorés dans le tréfonds de leurs peurs, de leurs angoisses, de leur inconscient ».

La connexion Tourneur-Rossellini, on n’y aurait jamais pensé, et voilà qu’elle frappe d’un coup comme une évidence. On ne verra plus leurs films tout à fait de la même manière. Il entre peut-être une part de goût du paradoxe dans la proposition de Lourcelles, mais en même temps on sent bien que son intuition est juste et qu’elle ouvre des perspectives insoupçonnées non seulement sur les deux cinéastes, mais sur tout ce qui s’est joué dans le cinéma de l’après-guerre, aussi bien en Europe qu’à Hollywood.

J’ai toujours aimé ces rapprochements aussi féconds qu’inattendus. Ils enrichissent notre regard sur les œuvres en suggérant des filiations secrètes qui les éclairent réciproquement (ce n’est pas pour rien que Lourcelles place sa notice sous l’invocation de Borges, en rappelant après lui que l’histoire des formes procède par avancées souterraines quasi imperceptibles plutôt que par des coups d’éclat spectaculaires). Et j’ai éprouvé le même petit choc électrique, la même sensation d’une révélation lumineuse en visionnant hier l’entretien avec Barbet Schroeder proposé en supplément à la troisième saison de Mad Men. Entretien de grand intérêt, où Schroeder évoque avec toute l’intelligence qu’on lui sait son travail de réalisateur sur un des épisodes qui exigeait le plus de doigté (celui de la mort de Kennedy), avant d’analyser avec précision celui du concepteur de la série, Matthew Weiner ; notamment son souci du détail poussé jusqu’à la maniaquerie, que Schroeder rapproche de celui de Rohmer sur le tournage de la Boulangère de Monceaux, dont il interprétait le rôle principal : cette obsession de l’authenticité jusque dans des choses qui se remarqueront à peine à l’écran, qui n’ont « pas d’importance dramatique a priori mais dont l’accumulation finit par se sentir et par produire un effet très important sur le spectateur ». Et c’est alors que Schroeder ajoute : « Mat Weiner aime beaucoup la Nouvelle Vague, il aime beaucoup les premiers films de Melville ; mais surtout, le grand modèle de Mad Men — là, j’ai été très surpris —, c’est Chabrol, et spécialement les Bonnes Femmes, ce film où il y a justement plusieurs histoires qui s’enchaînent [impliquant] plusieurs personnages. »

Mad Men / Chabrol / les Bonnes Femmes, bon sang, mais c’est bien sûr ! Là encore, jamais on n’y aurait pensé, mais à ce seul énoncé le caractère chabrolien de Mad Men saute aux yeux avec une totale évidence : le dosage singulier de cruauté et d’humour, le travail sur le cadre et le léger retrait de la caméra qui adopte une position d’entomologiste, le regard sur le monde des secrétaires, la finesse de la peinture sociale parfaitement intégrée à la trame narrative et visuelle, où tout est donné à voir sans autre forme de commentaire — par exemple, l’arrivée aussi discrète que puissamment invasive de la télévision dans les foyers et la manière dont elle vampirise les existences (on resonge soudain à tel plan de la Cérémonie) —, et jusqu’aux options d’éclairage et au traitement de la couleur qui rappellent par moments la photo de Jean Rabier.


Mad Men ou Chabrol ?


Très chabroliennes, la triangulation de l’espace, la présence des miroirs
et la manière dont le téléviseur sert de pivot visuel et signifiant à la scène.

1 Dictionnaire du cinéma, Bouquins-Laffont, 1992, p. 543-545.


Vendredi 16 décembre 2011 | Dans les mirettes | Aucun commentaire