Oulip007

Bel exercice d’écriture à contrainte. On imagine l’espion aux abois dans sa chambre d’hôtel, en train de compter ses mots et de multiplier désespérément les chevilles pour parvenir à caser un parce que ou un finalement en cinquième ou en dixième position.

Au début de l’année 1937, j’ai considéré que Sonny avait acquis suffisamment de savoir-faire pour partir en Espagne. Lors de notre dernier rendez-vous, sur le banc de Regent’s Park où nous nous étions rencontrés la première fois, je lui ai donné une feuille de papier de riz très fin. À gauche, sur une colonne, j’avais noté la liste des choses qui nous intéressaient : chars, camions, chantiers de réparation, aéroports, bombardiers, chasseurs, artillerie, mortiers, mitrailleuses, bataillons, régiments, division, conseillers allemands ou italiens, pilotes allemands ou italiens. À droite, j’avais inscrit une liste de mots anodins : parce que, finalement, temps, incroyable, savoureux, crépuscule, déjeuner, ce genre de choses. Je lui ai donné l’ordre d’envoyer chaque semaine une lettre d’amour à Mlle Dupont, au 79, rue de Grenelle à Paris. Il placerait un mot codé tous les cinq mots de la lettre. S’il voulait faire savoir qu’il avait vu dix-huit chars dans un chantier de réparation, le cinquième mot de la missive serait 18, le dixième serait parce que, le quinzième, temps.

Robert Littell, Philby. Portrait de l’espion en jeune homme.
Traduction de Cécile Arnaud. Baker Street, 2011.




Typo des villes (13)


Paris


Mercredi 13 juin 2012 | Typomanie | Aucun commentaire


Chambres


Watermael-Boitsfort


Mercredi 13 juin 2012 | Chambres | Aucun commentaire


Frutiger

À chaque passage à Roissy-Charles-de-Gaulle, une pensée pour le grand Adrian Frutiger, concepteur de la signalétique de l’aéroport (parfait alliage de clarté et d’élégance), pour laquelle il dessina spécialement la police de caractères qui porte son nom. On doit à Frutiger bien d’autres polices dont plusieurs sont devenues des classiques de la typographie contemporaine, parmi lesquelles l’Avenir et l’Univers.





Dimanche 10 juin 2012 | Typomanie | Aucun commentaire


La poésie ce matin (10)

Je viens d’un monde disparu Montréal des autobus bruns des photos noir et blanc dans mon passeport de l’Expo 67 d’un père à cheveux longs je croise Paul Rose à la place Longueuil les bouteilles de vin rouge remises dans un sac de papier derrière un comptoir unique je viens du temps des camps de chasse de la bière à tizoune de toute une peuplade avec des prothèses dentaires des curés frappeurs d’enfants des skidoos jaune banane j’appartiens au peuple le plus pauvre de la planète qui traverse l’histoire dans son boat people linguistique mon existence subventionnée clignote entre les souvenirs perclus de ma francité mon père était Mao Tsé Toung mon grand-père Hô Chi Linh mes oncles Che Guevara et Trotski non mon père était canadien-français passager clandestin en cale sèche de l’histoire je le revois depuis cette enfance à double fond tournant dans l’araignée de la Ronde je suis à sa place après lui dans ce voyage sans commencement adulte dans un manège immobile

Christian Saint-Germain, Tomahawk.
Le Noroît, 2012.


Mercredi 6 juin 2012 | La poésie ce matin | Aucun commentaire