Monk’s Casino

Toutes les compositions de Thelonious Monk. 71 morceaux ramassés sur trois CDs, en un programme conçu pour être éventuellement interprété en une fois au cours d’un concert-marathon, rarement disques auront autant mérité l’adjectif de compacts. Ç’aurait pu être un album concept à la noix, le type même de la fausse bonne idée. Sauf que pas du tout. D’abord parce que peu d’œuvres, dans l’histoire du jazz, sont justiciables d’une telle entreprise. Ensuite parce que celle-ci invite à méditer sur ce qu’est un compositeur de jazz, par opposition à un simple auteur de thèmes ; et encore sur le propre rapport mystérieux de Monk à son œuvre, puisqu’il aura passé sa vie à rejouer inlassablement une quinzaine de ses compositions, tandis qu’il n’en grava d’autres qu’à une ou deux reprises, et ce ne sont pas les moins belles (Erronel, Introspection ou Light Blue, parmi d’autres joyaux secrets). Enfin et surtout parce que l’exécution est un modèle d’intelligence et d’esprit, qui célèbre en Monk non point un monument qu’on visite avec déférence mais l’auteur d’une musique toujours vivante, énigmatique, excitante parce que déconcertante, avec ses pas de côté, ses dissonances calculées, ses traits d’humour exhilarants. Vétéran de la scène free européenne, partenaire de longue date d’Evan Parker, Schlippenbach a réuni autour de lui quatre jeunes musiciens avec, côté souffleurs, une trompette et une clarinette basse (miam !), dont le timbre boisé enrichit d’une couleur nouvelle des airs qu’on croyait connaître par cœur. Loin de l’hommage muséographique, le turbulent quintette nous entraîne, à l’image de la roulette qui orne les pochettes, dans un joyeux carrousel où les thèmes s’enchaînent rapidement, joués tantôt straight et tantôt free, en un éventail qui va du quasi-pastiche clin d’oeil à la déconstruction sauvage. La plus longue plage dure dix minutes, certaines moins de 60 secondes, la plupart de deux à quatre minutes. Ajouté à la pratique ponctuelle du medley, il en résulte un effet de collage ou de kaléidoscope, dont la joie étrange et dansante rappelle par endroits le premier quintette d’Ornette Coleman.

Alexander von SCHLIPPENBACH, Monk’s Casino. Rudi Mahall (clb), Axel Dörner (tp), Jan Roder (cb), Uli Jennessen (bt). Intakt Records 100 (2003-2004).


Mercredi 14 mars 2007 | Dans les oneilles |

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juste un commentaire pour te dire que j’aime beaucoup te lire ;)

Commentaire par MrBark 07.02.08 @ 1:59



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