B., cette femme admirable qui dépayse les cartes postales, m’adresse un mot rédigé au verso de deux photos anonymes de petit format datant du milieu des années quarante, dénichées dans une boutique au fond d’une caisse. Comme elle me connaît bien ! Je ne sais rien de plus émouvant que ce genre de trouvaille. Il y a quelques années j’ai acquis à la brocante un petit album photo à l’ancienne (format à l’italienne, reliure en cuir, pages en carton noir protégées par des feuillets de papier cristal) qui n’avait jamais servi. De retour chez moi, j’ai eu la surprise de découvrir entre les dernières pages une quinzaine de photos de famille, datées au verso de 1947.
La banalité même de ces clichés, leur touchante maladresse technique concourent à leur aura spectrale. Car bien sûr ces inconnus sont morts et oubliés depuis belle lurette, et ce sont d’anonymes fantômes que réveille notre contemplation.
J’ai une affection particulière pour ce promeneur magrittien déambulant dans une rue de Tournai.
Cependant, les très intrigantes photos que m’envoie B. ont quelque chose de plus, une étrangeté presque buñuelienne.
Ces gens mystérieusement penchés sur une fosse de la première photo - qu’est-ce qui attire ainsi leur curiosité ? - pourraient sortir d’une séquence de l’Âge d’or - n’y manque pas même le prêtre en soutane. Impossible devant la seconde, qui montre des hommes dormant tout habillés sur des matelas de fortune installés dans un salon bourgeois, de ne pas songer à l’Ange exterminateur. B. m’a précédé dans cette voie en proposant un effet de montage-collage onirique entre les deux images : ce que contemple avec un tel sérieux le groupe de la photo 1, ce sont les cadavres de la photo 2.
P.-S. : BC suggère pour sa part un rapprochement avec les expériences photographiques de Nougé. Bien vu.
2 commentaires
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Oui, enfin, qu’elle meure si elle veut, mais de mort lente, hein.
Commentaire par th 01.24.08 @ 11:05
Durant toute sa vie, ayant un secret à cacher, B. avait eu à coeur de semer le doute sur le temps, l’endroit où elle se trouvait. Un jour qu’elle se sentait bizarre depuis déjà quelque temps, elle reçut un message : on l’alertait que sa correspondance était citée. C’est donc qu’elle était morte - fut la première réjouie.
Commentaire par L'Âge dort, enfin 01.22.08 @ 11:45