Buñuel est une pierre

« Mais à l’extérieur rien n’adoucit la rigidité des lignes, rien n’éclaire le gris de la pietra serena, cette pierre qu’on extrait des carrières des environs de Florence, et dont sont construits la plupart de ses monuments. Les blocs sont taillés et ajustés avec une simplicité purement fonctionnelle d’où naît une dure beauté », écrivent, à propos du Bargello, Michelle Goby et Giovanna Bargioni (Florence, éditions Arthaud, 1972). Phrases lues ce matin. Hier soir, Arte rediffusait le Journal d’une femme de chambre, dont à mon grand regret je n’ai pu revoir qu’un fragment. Assez pour me souvenir que je n’avais guère aimé ce film il y a quinze ans ; assez pour réaliser qu’à l’évidence j’avais eu tort, pour être stupéfié par la netteté du dessin buñuelien: netteté du cadre, du découpage, de l’enchaîné des plans - sans raideur cependant ni lourdeur signifiante ; et sans plus d’équivalent dans le cinéma contemporain, où la dissolution du plan, l’approximation du cadre n’épargnent pas même les meilleurs. Célestine descend au jardin, longe une sorte de serre à ras du sol et rejoint le mur mitoyen de la propriété. Séquence banale, et cependant les trois plans tombent, s’enchaînent avec un tranchant de couperet. Oui, chez Buñuel aussi, « les blocs sont taillés et ajustés avec une simplicité fonctionnelle d’où naît une dure beauté ». Et son regard a la souveraine impassibilité des pierres.


Lundi 28 janvier 2008 | Dans les mirettes |

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