Le Vieil Homme dans le coin

Le Vieil Homme dans le coin est un intéressant exemple de récit de détection à l’anglaise pré-agatha-christien et son héros, le premier d’une longue lignée de détectives extralucides. C’est à tort, me semble-t-il, que François Rivière le présente comme le plus casanier des détectives, une sorte de Nero Wolfe avant la lettre. Car enfin l’homme se déplace, visite quelquefois les lieux du crime et fréquente assidûment les prétoires, où il a souvent la révélation de la clé du mystère. Cependant, comme il raconte chacune de ces histoires dans un salon de thé où il rencontre la journaliste à qui échoit la narration, tout en nouant et dénouant obstinément son petit bout de ficelle, il semble par le fait même résoudre le mystère à distance, et paraît pourvu d’un don de divination — tandis que la police, bien entendu, patauge lamentablement.

Les récits reposent très souvent sur un principe de substitution (l’assassin se fait passer pour la victime, le voleur joue à la fois le rôle du diamantaire et de son secrétaire, etc.), qui restera une constante du genre (il y en a maint exemple chez Agatha Christie ; par exemple, Un cadavre dans la bibliothèque). Ils se chargent aussi d’accents chestertoniens : non seulement les apparences sont trompeuses, mais elles sont, comme un vêtement retourné dont on verrait la doublure, l’envers exact de la réalité. Autre motif d’intérêt : la sympathie qu’éprouve, d’intelligence supérieure à une autre, le vieil homme pour les assassins et les aigrefins dont il démasque les crimes parfaits mais qu’il se garde bien de dénoncer à la police. Le récit de détection à l’anglaise s’affirme d’emblée comme un jeu purement intellectuel : « Le crime ne m’intéresse que quand il ressemble à un très savant jeu d’échecs et que tous les mouvements savants et compliqués des pièces tendent à un seul but : mettre en échec la police du pays. »

Baronne ORCZY, le Vieil Homme dans le coin (The Old Man in the Corner). Traduction de Jean Joseph-Renaud. 10/18 n° 2755, 1996, 282 p.


Samedi 14 janvier 2006 | Rompols |



Bonsoir, j’aimerais juste savoir la référence exacte de la citation : « Le crime ne m’intéresse que quand il ressemble à un très savant jeu d’échecs et que tous les mouvements savants et compliqués des pièces tendent à un seul but : mettre en échec la police du pays. »

Commentaire par Momo 12.02.16 @ 9:25

Baronne Emma [Emmuska] Orczy, « Le Mystère de Dublin » (« The Dublin Mystery »), dans le Vieil Homme dans le coin (The Old Man in the Corner), 1909, tr. fr. Jean Joseph-Renaud, Paris, Garnier, coll. « Classiques de l’énigme », 1980 ; réédition, Paris, 10/18, coll. « Grands Détectives » no 2755, 1996.
La phrase originale est : Crime interests me only when it resembles a clever game of chess, with many intricate moves which all tend to one solution, the checkmating of the antagonist—the detective force of the country.

Commentaire par th 12.02.16 @ 10:43