Babel en solde

À l’attention des Parisiens et des visiteurs de passage, signalons qu’un soldeur bien connu de la rue Saint-Martin liquide à six euros pièce quatre volumes de (la réédition chez Panama de) la très belle « Bibliothèque de Babel » (prix d’origine : dix-neuf et vingt et un euros suivant les volumes). Créée en 1977 sur l’initiative de l’éditeur Franco Maria Ricci, ce fut la seule collection littéraire dirigée par Jorge Luis Borges. Elle réunit des perles de la littérature fantastique chères au cœur du Sphinx de Buenos Aires, préfacées par lui avec sa concision habituelle.

Rappelons que la nouvelle « la Statue de sel » de Leopoldo Lugones — l’un des volumes projetés mais finalement non publiés en français pour cause de faillite de l’éditeur, si j’ai bien compris — est disponible, avec « la Pluie de feu » du même auteur, dans le numéro 15 du Visage vert, et que ces deux textes valent diablement le détour.

« La Bibliothèque de Babel » fut l’une des dernières occurrences1 de ce format oblong (sauf que c’est le contraire) qui eut durant les années 1960 et 1970 les faveurs de certains éditeurs, notamment Éric Losfeld et Jean-Jacques Pauvert, avant de passer de mode. Le plus souvent dévolu à de courts textes pamphlétaires (l’Extricable de Raymond Borde et Lettre aux gens malheureux et qui ont bien raison de l’être de Jacques Sternberg chez Losfeld, Plaidoyer contre la censure de Maurice Garçon et l’Homme et son âme devant la société d’Oscar Wilde chez Pauvert, sans oublier la fameuse collection «Liberté » de Pauvert et la collection « Le Désordre » de Losfeld, toutes deux maquettées par Pierre Faucheux), il servit plus rarement d’écrin précieux à des textes littéraires qui ne l’étaient pas moins (les Chasseurs d’André Hardellet chez Pauvert, la Cafarde de Bona de Mandiargues et le Marronnier d’André Pieyre de Mandiargues au Mercure de France).


1. À l’exception notable d’Actes Sud, vil étourdi que je suis. Les ajouts en bleu font suite aux remarques de mes aimables lecteurs.


Mercredi 7 avril 2010 | Le monde du livre |

13 commentaires
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Dernière occurrence du format oblong?
Vous ne lisez donc jamais de livres édités par Actes Sud?

Commentaire par Jaromil 04.12.10 @ 11:13

Gloups, damned et plumpudding. C’est tellement patent que je n’y ai plus pensé.

Commentaire par th 04.12.10 @ 12:16

Damned ! Il me manque justement le Chesterton pour avoir la collection complète… J’y fonce tout à l’heure. Le soldeur auquel vous faites allusion (et qui a plusieurs boutiques dans Paris) a racheté pour une misère tout le fond FMR…

Commentaire par AdoréFloupette 04.12.10 @ 12:43

J’ai d’ailleurs failli craquer pour plusieurs numéros de “la plus belle revue du monde”. Heureusement, je n’avais plus de place dans mes bagages.

Commentaire par th 04.12.10 @ 1:05

Oblong n’est pas du tout approprié pour ce type de format,car le terme oblong signifie plus large que haut. Tous les livres cités et représentés ici sont des “in octavo” (in-8°). En ce qui concerne Actes Sud, le format (14 x 22,5) est plus précisément un “in octavo coquille (appelé également in octavo carré). Après ces petites considérations techniques, je me permets de vous féliciter pour la qualité et l’intérêt de votre blog.

Commentaire par arcadel 04.12.10 @ 1:18

Oblong : de forme allongée (Larousse). Qui est plus long que large. Synonyme : allongé (Trésor de la langue française).
Mais ce qui est étrange, c’est que le même TLF donne pour synonyme à oblong, dans le cas particulier de l’imprimerie, le format à l’italienne, qui est bien sûr exactement le contraire (plus large que long, comme vous le dites). On s’y perd !
Par ailleurs, le format in-8° m’a toujours paru remarquablement fluctuant dans les catalogues de ventes publiques et de libraires d’ancien. Si vous aviez sous la main les gabarits précis (ou un lien vers une page fiable) des in-8°, in-12° et autres in-16°, cela m’intéresserait énormément.

Commentaire par th 04.12.10 @ 2:11

Pour ces formats, c’est assez simple.
Le format in-folio, pleine page, correspond au format d’une feuille A4. La feuille - le folio - pliée en deux, dans le sens de la longueur : vous obtenez le format in-8°. Le format in-8°, plié en deux, vous donne le format in-16°.
Imprimées au format in folio, les planches, pliées et cousues, vous obligeant, joyeusement, il fut un temps, à utiliser un coupe-papier.

Commentaire par D.C. 04.12.10 @ 2:44

Je reviens à la Bibliothèque de Babel : déception ! Il ne s’agit pas de l’édition originale de 1977, mais de la réédition récente qu’ont tenté (et foiré) les éditions Panama. Donc, pas grand intérêt pour le fétichiste moyen…

Commentaire par AdoréFloupette 04.12.10 @ 3:17

Comme il s’agit bien de livres ici, oblong ne saurait donc être de mise. A défaut de pouvoir vous envoyer un PDF en pièce jointe, voici un lien, succinct et sans doute approximatif, de la page Wiki consacrée à la reliure. Le tebleau relatif aux divers formats de livres y est toutefois exact: http://fr.wikipedia.org/wiki/Reliure#Les_formats

Commentaire par arcadel 04.12.10 @ 4:11

Arcadel : merci. Pour les pliages, je connaissais le principe. Ce qui me manquait pour m’y retrouver, c’étaient les différents formats de papiers.
Quant à l’oblongitude, je retiens aussi, moi qui ne connaissais que l’appellation de format à l’italienne. Mais le premier imprimeur ou relieur qui eut l’idée aberrante de baptiser oblong un format qui est juste le contraire mérite la bastonnade à titre posthume.

Adoré F. : navré de vous avoir fait courir pour rien. Est-ce que l’édition française de 1977 compta la trentaine de titres projetés par FMR et Borges, contrairement à la réédition Panama qui s’est interrompue au bout de huit titres ?

Commentaire par th 04.12.10 @ 7:01

Non, juste douze volumes. Un rien maudite, cette collection…

Commentaire par AdoréFloupette 04.14.10 @ 1:24

Pour les formats des livres, on peut se reporter à ce billet du blogue Feuilles d’automne (le précédent du même libellé est consacré au format des papiers). Ce même blogue livrait récemment la liste exhaustive de la collection Le Désordre.
Sinon, je me souviens que Gallimard aussi a publié quelques ouvrages dans ce format anti-oblong (on en apprend tous les jours !) : Evguéni Sokolov de Gainsbourg, Gilles et Jeanne de Tournier, ainsi qu’un Violette Leduc, me semble-t-il (ou Lise Deharme ?).

Commentaire par George Weaver 05.18.10 @ 7:13

C’est vrai, j’avais oublié ces Gallimard-là. Et pourtant, j’ai lu Evguéni Sokolov dans cette édition, l’année de sa parution.

Commentaire par th 06.08.10 @ 10:27



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