Faulkner au travail (suite)

Je retrouvai Harry Kurnitz au bar.
« Où en est le scénario ? »
Harry avait une façon toute particulière de rire. Sa lèvre supérieure, barrée d’une fine moustache blonde, restait parfaitement immobile, alors que tout le reste de sa longue carcasse se secouait comme un jouet mécanique :
« My boy, au stade où nous en sommes, notre pyramide ne pourrait pas fournir assez d’ombre pour se tenir les pieds au frais.
— Faulkner ?
— Il est adorable. On a envie de le dorloter. Le matin, il est tout frétillant à l’idée d’entendre les conneries que j’ai écrites, et qu’il écoute comme un enfant sage à qui on raconte des histoires pour le récompenser de sa bonne conduite ; à part ça il est en pleine lune de miel avec sa petite Américaine qui embrasse le sol où il a marché. Hawks est superbe. Il nous a raconté ce matin comment il a été champion du monde de bobsleigh en remplaçant au pied levé le tenant du titre cloué au lit par une crise d’urticaire.

Beaucoup plus tard, en Égypte, alors que le tournage de la Terre des pharaons a débuté, Noël Howard recroise Harry Kurnitz agitant une feuille de papier en l’air tout en étant secoué d’une crise de rire convulsive.

« Au bout de quatre mois, voici la première, la seule contribution au scénario de William Faulkner. »
Il me tendit une page, presque blanche. Au beau milieu, ces lignes, tapées à la machine :

Les travaux de construction de la pyramide durent depuis quinze ans. Le pharaon se rend sur les lieux, appelle un contremaître :
LE PHARAON : Alors, comment ça marche, le boulot ?

Noël Howard, Hollywood-sur-Nil


Vendredi 1 octobre 2010 | Grappilles |

Un commentaire
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Lu six fois l’histoire du pharaon, et à chaque lecture, me suis gondolé un peu plus. Merci !!!

Commentaire par AdoréFloupette 10.01.10 @ 10:39



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