Sur le pavé, le jazz

Jamais vu ça en vingt ans de fréquentation de la brocante Saint-Pholien. Le jazz, aux puces, ça se résume d’ordinaire à quelques compils de troisième ordre égarées entre les Quatre Saisons, les chefs-d’œuvre de l’opérette et les grands hits de la dance music. Très rarement, un vinyle intéressant. Là, c’était tout le contraire. Une collection de CD d’une qualité exceptionnelle, témoignant d’un goût sans faille ; une vie d’écoute et de passion. Le destin ordinaire d’une collection après la mort du collectionneur, c’est la dispersion ; mais cela m’a fait mal au cœur de la voir finir ainsi, jetée sur le pavé par des héritiers pressés. Elle méritait un meilleur sort. Elle appartenait à un avocat, monsieur Frankinet de la rue des Bonnes-Villes, qui, personne n’est parfait, avait la mauvaise habitude d’inscrire son nom et son adresse sur toutes les pochettes (tantôt en la griffonnant d’une écriture à grands jambages, tantôt au moyen d’un coup de tampon encreur ou encore d’une étiquette autocollante impossible à enlever sans tout déchirer), et de souligner au bic ou au marqueur fluo ses plages préférées. Paix à ses cendres. Je lui dois d’avoir enrichi ma collection de soixante CD pour la somme de 50 €. Que du premier choix : Sinatra période Capitol (la meilleure), Basie, Benny Carter, Teddy Wilson, Monk, Rollins, Mingus, Dolphy, Jackie McLean, Art Pepper, Warne Marsh, Mal Waldron, Steve Lacy, Cecil Taylor, Jimmy Lyons, Bill Dixon, Anthony Braxton, David Murray, John Zorn and so forth. Et si j’étais arrivé cinq minutes plus tôt, j’aurais chopé une pile imposante de Sun Ra et de Vienna Art Orchestra dont s’est emparé un autre amateur.


Dimanche 28 avril 2013 | Dans les oneilles, À la brocante |

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