Poème exhumé par L.D., épris comme moi de climats froids, à qui je disais mon émotion d’avoir retrouvé, après douze ans d’absence, l’hiver montréalais, et combien ce séjour avait réveillé quantité de sensations profondément enfouies dans ma mémoire. Notamment la manière dont une température de – 30° modifie les propriétés du son, sa texture et sa propagation. Certains vers ont le pouvoir de condenser, dans le raccourci fulgurant d’une image, une vérité intensément ressentie. « La neige est un microphone merveilleux » : voilà, c’est exactement ça.
Cette nuit chaos d’immeubles
n’importe où — les steamers
dans la banquise — c’est vide
comme un décor de MolièreLa lune aligne ses pingouins
chloroforme du clair de lune
chaque maison est un vrai
colombarium de traversLe froid prend tout à coup la forme d’un kiosque
Carafe frappée ô ma tête
ce vent attise les étoiles
et bloque les névralgiesMes pas marchent dans tous les immeubles à droite
On doit entendre
Mes pas
Dans la luneLa neige est un microphone merveilleux, j’écoute
Une dame qui cause
À MoscouJe suis le seul survivant
de cette épidémie de luneLe boulevard est beau comme la voie lactée.
Cahiers Jean Cocteau no 1, Gallimard, 1969.
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