À Lisbonne un dimanche après-midi, vous descendez au Rato. Un peu plus haut, derrière l’aqueduc dont les arches sont comme une entrée dérobée donnant sur un autre monde, le petit square ombragé d’Amoreiras est un retrait secret à l’écart du temps et de l’animation urbaine. Les oiseaux se baignent dans la fontaine - les pigeons prennent littéralement leur douche sous le jet d’eau -, des enfants jouent. Sur les bancs, un couple d’amoureux, un lecteur solitaire, des vieilles dames qui papotent. Vous entrez au Musée Arpad Szenes-Vieira da Silva, un petit musée comme vous les aimez, discret, lumineux et peu fréquenté - en tout cas le dimanche. Il y a là, vous le découvrez en entrant, une exposition temporaire d’un peintre que vous ne connaissez pas, Nikias Skapinakis. Coup de foudre.
L’exposition s’intitule Quartos imaginários. Skapinakis a eu l’idée merveilleuse de représenter les chambres imaginaires de peintres et d’écrivains : Cézanne, Gauguin, Van Gogh, Klee, Schiele, Chagall, Matisse, Picasso, Ernst, Chirico, Morandi, Frida Kahlo, Louise Bourgeois, Cavafy, Pessoa,… Les toiles, de format identique, présentent des intérieurs souvent dénudés, avec un point de vue frontal, une perspective en raccourci et des tons sourds en larges aplats. L’univers de chaque créateur est suggéré au moyen d’un subtil réseau d’allusions. La chambre de Chirico reprend la composition d’un Intérieur métaphysique, avec au centre un échafaudage chiriquien librement réinterprété, observé depuis la gauche par André Breton dont le visage se découpe dans le cadre d’une fenêtre (élément qui provient, lui, d’une toile de Max Ernst, la Vierge corrigeant l’enfant Jésus). La peinture se fait recueillement, cosa mentale, et si chaque toile retient l’attention, leur réunion dans une salle décuple leur pouvoir d’évocation.
La chambre de Frida Kahlo
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