On l’a reconnu dès les premières pages, ce petit frisson dans l’échine qui vous avertit que ce ne sera pas un livre comme les autres ; que sa lecture sera une aventure où tout peut arriver – non seulement aux personnages, mais à la forme romanesque elle-même. Ada ou l’Ardeur est la dernière œuvre majeure de Nabokov, celle pour laquelle il voulait que la postérité se souvienne de lui. On sent qu’il ne s’est rien refusé. Le roman se présente comme une parodie de saga familiale à la russe, écrite dans un style volontairement entortillé où abondent les crochets, les détours, les parenthèses digressives. C’est, en outre, un festival intertextuel : Tolstoï cité dès le premier paragraphe (un peu plus loin : Jane Austen, Marcel Proust…), appareil critique fictif dû à une certaine Vivian Darkbloom (anagramme de Vladimir Nabokov). Bien. On croit avoir identifié le code de lecture, on se cale dans les rails, on ressent la gourmandise narrative de Nabokov, on partage sa jubilation. Mais l’aventure ne fait que commencer. Car voici qu’une deuxième couche apparaît entre les lignes. Elle nous murmure qu’Ada est en fait un roman de science-fiction situé dans une réalité parallèle, variante extravagante de la nôtre. Et, bien entendu, pour les habitants de cet alter-monde, c’est leur réalité qui est la vraie, et la nôtre une version parallèle, étrange et défectueuse. On n’en est qu’au dixième de ce gros roman. Quelles surprises nous attendent encore ?
3 commentaires
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On verra bien sur la longueur. Pour le moment, je suis enchanté. En revanche, Belle du seigneur, je n’y suis jamais arrivé, malgré quelques tentatives. Ça me tombe des mains au bout de vingt pages.
Commentaire par th 12.30.16 @ 11:05Mon DEA sur la littérature française dans les romans américains de VN est un peu lointain, mais les emprunts et références fourmillent dans Ada : Proust, Chateaubriand, Balzac, Baudelaire et j’en oublie…
Commentaire par hrundi v. bakshi 12.31.16 @ 8:10
J’ai lu ce livre il y a des années, entre béatitude et furiosité devant cette volonté par trop évidente du grand Vladimir de vouloir tout faire et tout mettre. Il y manque fluidité et charme. Belle du Seigneur est plus réussi il me semble, dans le genre démonstration de mes talents. Et puis le temps tricotant, je me rends compte que plusieurs scènes et personnages d’Ada me hantent alors que rien ne m’est resté de Cohen…
Commentaire par Hubert Antoine 12.30.16 @ 9:43