Stéphane Audran reste associée dans l’imaginaire collectif à ses rôles de bourgeoise petite ou grande chez Claude Chabrol et Luis Buñuel. Mais à considérer les vingt-trois films qu’ils ont tournés ensemble – un record dans l’histoire des couples de cinéma –, on ne peut qu’être frappé par l’étendue de son registre et la variété des rôles que lui confia Chabrol. Des Cousins jusqu’à Betty, Audran fut tour à tour vendeuse délurée, institutrice coincée, femme fidèle, femme adultère, femme bisexuelle, espionne parodique, chanteuse de cabaret, chanteuse d’opéra, aventurière, danseuse, mère possessive, mère abusive, alcoolique mondaine et l’on en passe.
Il me paraît aussi que Chabrol avait perçu d’emblée la nature double du talent d’Audran – qu’emblématise son double rôle dans le Scandale –, l’écart pourrait-on dire entre l’image et le tempérament. Beauté distante au visage lisse, indéchiffrable, d’une part (son côté hitchcockien), comédienne protéiforme de l’autre, ayant le goût du déguisement et des transformations physiques, douée d’un humour spontané et capable de dérapages dans l’hénaurme et la folie pure ; aussi à l’aise dans les personnages introvertis que dans les personnages extravertis. Que l’on compare par exemple l’institutrice à la sexualité volontairement réprimée du Boucher et l’épouse de député de province plutôt folle de son corps des Noces rouges.
À cet égard, elle était l’interprète idéale d’un metteur en scène double lui aussi, chez qui cohabitaient le sens de l’épure, de la géométrie langienne, et le goût de la charge grotesque.
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