Il ne semble pas possible de rendre compte de l’évolution si rapide et si décidée de l’architecture du XVIe en Italie, sans faire intervenir les expériences, parfois décisives, constituées par les décors provisoires et fictifs des « fêtes ». Les grandes « entrées », comme celle de Léon X à Florence en 1515, amènent l’insertion d’une ville imaginaire dans la cité réelle ; or, cette ville imaginaire est définie par des arcs de triomphe, des portiques, des édifices polygonaux, pyramidaux, etc., qui récapitulent les prestiges de l’architecture classique ; on en prend aisément une idée d’après les compositions de marqueterie figurant des « villes idéales » ou les panneaux peints imités de panneaux d’intarsio (à notre avis, il s’agit moins de compositions scéniques que de répertoires généraux de formes monumentales). Le trait essentiel de ces compositions est l’homogénéité du style et la pureté formelle. Les ensembles imaginaires ne sont pas de vagues rêveries ; ce sont des exercices abstraits, indispensables au réglage des styles. L’architecture des fêtes sera la première à en tirer parti, avant les réalisations monumentales qui ne seront souvent que la traduction durable des modèles occasionnels mais somptueux échafaudés pour les manifestations publiques. Si l’on examine de près la transformation progressive des cités à la Renaissance, il est clair que l’urbanisme imaginaire a toujours précédé les réalités et que l’un des ressorts concrets des fictions architecturales utiles était le stimulant des apparati.
André Chastel, « Palladio et l’art des fêtes » (1960),
dans Palladiana, Gallimard, « Arts et artistes », 1995.
P. A. Da Modena, marqueterie, v. 1489.
(Padoue, Basilique Saint-Antoine)
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