Faulkner au travail
En rentrant à l’hôtel, je rencontrai Faulkner, qui, momentanément séparé de sa jeune compagne, semblait tout esseulé. Il me prit gentiment par le bras pour me diriger vers le bar :
« Jeune homme, je vais vous montrer un exemple de force de caractère… Hier soir, j’ai bu un peu plus que je n’aurais dû ; j’ai juré de m’abstenir aujourd’hui. Eh bien… malgré tout, je trouve en moi la volonté nécessaire pour surmonter cet obstacle et aller boire un coup… Garçon, un double dry Martini, s’il vous plaît ! Qu’est-ce que vous prenez ? »
Noël Howard, Hollywood-sur-Nil
… où l’on verra aussi Faulkner s’enfiler imperturbablement quatorze cocktails pour se remettre des émotions d’une arrivée à Paris quelque peu mouvementée, et convaincre le sommelier d’un hôtel de Saint-Moritz de mettre de côté pour sa consommation personnelle la réserve de chassagne-montrachet 1949. Mis au courant, l’impassible Howard Hawks laisse écouler un de ces silences interminables dont il a le secret, avant de commenter simplement : « Je crois que notre ami Bill aime assez boire un petit coup de temps en temps. »
Déformation professionnelle
Un imprimeur de Paris avait fait une tragédie sainte, intitulée Josué. Il l’imprima avec tout le luxe possible, et l’envoya au célèbre Bodoni, son confrère, à Parme. Quelque temps après, l’imprimeur-auteur fit un voyage en Italie ; il alla voir son ami Bodini : « Que pensez-vous de ma tragédie de Josué ? — Ah ! que de beautés ! — Il vous semble donc que cet ouvrage me vaudra quelque gloire ? — Ah ! cher ami, il vous immortalise. — Et les caractères, qu’en dites-vous ? — Sublimes et parfaitement soutenus, surtout les majuscules. »
Stendhal, Racine et Shakespeare I, 1823.
Interlude
Terminé à l’arraché la nuit dernière, mon article sur Claude Chabrol rédigé pour mes camarades de 24 images est en ligne sur le site de cette revue. Dans l’urgence, j’ai repompé sans vergogne un paragraphe d’un récent billet écrit à l’occasion de la rediffusion d’À double tour ; mais après tout les blogs sont aussi faits pour servir de carnet d’esquisses et de banc d’essai. Un regret parmi bien des lacunes : n’être pas parvenu à citer les Bonnes Femmes.
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Ce blog est décidément condamné à l’irrégularité. En attendant le retour de jours plus fastes, allez découvrir les beaux tableaux de livres et de bibliothèques de Stanford Kay présentés par l’Éditeur singulier, les magnifiques portraits jazzistiques d’Herman Leonard réunis par Charles Tatum, et visionner la bande-annonce du documentaire en production de Doug Wilson sur cette fascinante machine d’imprimerie qu’est la Linotype, dont on espère qu’il sera aussi intéressant que le docu de Gary Hustwit sur l’Helvetica.
Rencontre
Rencontre animée par Rony Demaeseneer.
Au Palais des Beaux-Arts, 23, rue de Ravenstein, 1000 Bruxelles.
Sherlock (pour info)
La chose étant rarement précisée sur les sites de vente grands-bretons, signalons que le DVD de Sherlock est bel et bien pourvu de sous-titres anglais, dont la nécessité se fait généralement sentir. La revision du premier épisode, A Study in Pink, nous a comblé. Il se confirme aussi qu’un deuxième cycle de trois épisodes est en chantier. Diffusion annoncée pour l’automne 2011. Ce délai d’un an laisse augurer que Moffat et Gattis, préférant le travail bien fait à l’exploitation hâtive du succès, prendront le temps de soigner la suite. On s’en réjouit.