Femme au foyer désespérée

The publicity sheet for the Viking (US) edition calls Emma ‘the original desperate housewife’, which, cheesy though it sounds, isn’t far off the mark. Madame Bovary is many things — a perfect piece of fictional machinery, the pinnacle of realism, the slaughterer of Romanticism, a complex study of failure — but it is also the first great shopping-and-fucking novel.

Julian Barnes, « Translating Madame Bovary »,
Through the Window, Vintage, 2012


Mercredi 21 mai 2014 | Grappilles | Aucun commentaire


La poésie ce matin (14)

 

L’hiver, le plein hiver, ce fut notre saison spacieuse,
de nuit en nuit la reconduction des prodiges :
dès que nous baissions les paupières, où étions-nous ?
où nous allions, nous n’étions pas des étrangers ;
nous partions en voyage, et la preuve,
au retour, ces fleurs, ces hautes vagues qui vacillent,
sur les carreaux le gel avait saisi notre buée,
et nous réalisions l’œuvre nocturne
sans nous y ajouter, en approchant la bouche,
en laissant ruisseler le givre, la lumière
rutiler, nous esquissions alors d’un doigt timide,
peu à peu enhardi, un arbre ou un oiseau,
nous lui donnions dans le jardin le profil d’un navire.
Incessamment coïncideront le bas de la page,
la fin du voyage, le port ni le royaume,
nous ne les possédons, mais l’esprit libre de l’enfance
au creuset du sommeil, au cours des années aussi bien,
persiste malgré nous et nous déborde.

Pierre Dhainaut, l’Autre Nom du vent.
L’Herbe qui tremble, 2014




High Time

High Time de Blake Edwards (1960). Quoique réalisé après des films complètement edwardsiens comme Mister Cory et Operation Petticoat, cette comédie de campus servant de véhicule à Bing Crosby sent la commande de studio. Le scénario et le dialogue sont bien nunuches, les gags (souvent plus tashliniens qu’edwardsiens 1) pas toujours drôles. Mais Edwards s’acquitte avec compétence de la tâche, et sa patte est au moins sensible à trois niveaux : 1. Élégance formelle : sûreté du cadre et du découpage, dynamisme des plans à figuration nombreuse, contraste entre la vitalité estudiantine et le statisme du monde des adultes. 2. Un tact réel dans les scènes sentimentales entre Crosby et la prof de français (Nicole Maurey), qui évitent la mièvrerie de mise dans ce genre de comédie (on pense aux relations Julie Andrews-Omar Sharif dans cette petite merveille qu’est The Tamarin Seed). 3. Une scène de travesti : déguiser Bing Crosby en dondon en robe rose, il fallait oser ! Et Crosby, il faut le dire, se tire remarquablement d’affaire en la circonstance.

1 De façon générale, l’influence du cartoon se fait sentir sur la comédie américaine des années 1950-1960, chez les réalisateurs de la nouvelle génération comme chez les vétérans (par exemple Leo McCarey dans Rally Round the Flag, Boys !).


Vendredi 2 mai 2014 | Dans les mirettes | Aucun commentaire