Chambres


Rixensart


Mardi 30 août 2016 | Chambres | 1 commentaire


La femme aux deux visages

— C’est vrai, dit-elle, il y a deux femmes en moi…
— Oui, reprit-il distraitement… deux femmes qui se combattent… et qui, par moments, s’excluent l’une l’autre… deux femmes qui n’ont pas le même sourire. Car c’est le sourire qui diffère dans tes deux images… tantôt naïf et jeune, avec des coins de bouche relevés… et tantôt plus amer et comme désabusé.
— Laquelle aimes-tu le mieux, Raoul ?

La Femme aux deux sourires

La femme, chez Maurice Leblanc, est double. Dans la Comtesse de Cagliostro, récit fondateur de la jeunesse de Lupin, Raoul d’Andrésy oscille entre un amour fleur bleue pour sa cousine Clarisse d’Étigues et un amour-passion dévastateur pour la maléfique et magnifique Joséphine Balsamo. Ce motif, avec des variantes, des atténuations, des déplacements, circule dans toute l’œuvre de Leblanc.

Deux femmes, Régine, actrice, et Arlette, mannequin, partagent l’aventure de Jean d’Enneris dans la Demeure mystérieuse. Deux sœurs, Elizabeth et Rolande, sont mêlées au drame de La Cagliostro se venge. Il y a deux cousines dans l’Aiguille creuse, Suzanne de Gesvres et Raymonde de Saint-Véran, qui sera le grand amour de Lupin. Deux sœurs à nouveau dans la Barre-y-va, Bertrande et Catherine, entre lesquelles balance le cœur de Raoul d’Avenac :

Au fond, peut-être les aimait-il toutes deux, et, en les aimant toutes deux, l’une si pure et si ingénue, l’autre si tourmentée et si complexe, peut-être n’aimait-il qu’une seule et même femme, qui était, sous deux formes différentes, la femme de l’aventure à laquelle il consacrait toutes ses forces et toutes ses pensées.

Une seule et même femme en deux incarnations qui tour à tour se confondent et se distinguent : voilà résumé le tropisme amoureux de Lupin. Il reparaît dans la Femme aux deux sourires, sous la forme de deux demi-sœurs prises l’une pour l’autre, Antonine, la petite provinciale ingénue, et Clara, l’aventurière ardente et tourmentée. Lupin aimera l’une à travers l’image de l’autre 1, le souvenir inoubliable de sa première apparition — exemple singulier, finement analysé par Leblanc, de cristallisation amoureuse.

Deux femmes encore dans la Demoiselle aux yeux verts : l’Anglaise aux yeux bleus, Constance Bakefield, lady cambrioleuse de haut vol, l’émule féminine de Lupin, qui eût fait un adversaire admirable (on croit d’abord que le roman prendra ce chemin) si elle n’avait la mauvaise idée de périr assassinée à la fin du premier chapitre ; et Aurélie, la blonde aux yeux verts, nouvel avatar de l’innocence persécutée 2. Mais voici qu’Aurélie se dédouble à son tour, devient multiple, insaisissable :

Raoul n’en revenait pas. Cela dépassait tout ce qu’il avait pu imaginer à propos de la demoiselle aux yeux de jade. […] Il ne se lassait pas d’admirer l’étrange créature qu’il n’avait aperçue, depuis la jolie vision initiale, que par éclairs et en des crises d’horreur et d’effroi. C’était une autre femme, chez qui tout prenait caractère d’allégresse et d’harmonie. Et c’était pourtant bien celle qui avait tué et participé aux crimes et aux infamies. C’était bien la complice de Guillaume.
De ces deux images, si différentes, laquelle devait-on considérer comme la véritable ? Raoul observait en vain, car une troisième femme se superposait aux autres et les unissait dans une même vie intense et attendrissante […]

Les deux grands types féminins de la geste lupinienne — la victime innocente, l’aventurière mêlée à des crimes de son plein gré ou à son corps défendant — ressortissent à des stéréotypes de roman-feuilleton. L’originalité de Leblanc est de les avoir fondus en un seul. Son incarnation la plus stupéfiante sera, dans 813, ce monstre formidable qu’est Dolorès Kesselbach.

1 L’image, littéralement. Avant même qu’il la rencontre en chair et en os, Antonine apparaît à Lupin sur l’écran d’un très moderne visiophone, lorsqu’elle sonne par erreur à son appartement. Lupin, en somme, s’éprend d’une image avant de s’éprendre d’une femme, et c’est cette image-écran qui l’empêchera longtemps d’appréhender la vérité.
Notons en passant l’intérêt précurseur de Leblanc pour le cinéma : le Film révélateur, dans les Huit Coups de l’horloge (1923), est peut-être le premier exemple, dans le domaine français, d’emploi du cinéma comme pivot narratif d’un récit de fiction.
2 Cette figure a toujours partie liée avec un secret d’enfance, tantôt oublié, tantôt inavouable (la Barre-y-va, la Demoiselle aux yeux verts, la Femme aux deux sourires).


Dimanche 28 août 2016 | Au fil des pages | 2 commentaires


Arsène Lupin, claustrophobe

Claustrophilie de Maurice Leblanc. Abondance des appartements truqués, des souterrains, des corridors dérobés, grâce auxquels le gentleman cambrioleur perpètre ses forfaits, par où il prend la fuite à la barbe de la police (l’Aiguille creuse, Arsène Lupin contre Herlock Sholmès, la Femme aux deux sourires, l’Écharpe de soie rouge, Herlock Sholmès arrive trop tard, etc.). Claustrophobie de Maurice Leblanc. Abondance des lieux clos où les personnages se retrouvent pris au piège. Dans 813, M. Lenormand et son fidèle Gourel se découvrent prisonniers d’un tunnel dont les deux issues sont barrées. Dans les Dents du tigre, don Luis Perenna est claquemuré dans un passage secret, où il manquera de mourir de faim. Dans la Barre-y-va, Raoul d’Avenac est enseveli dans une cavité, sous les décombres d’une ancienne serre, roulé dans une couverture et ficelé comme un saucisson. L’eau monte inexorablement dans la grotte où Aurélie et Raoul de Limézy ont trouvé refuge (la Demoiselle aux yeux verts) ; et de même dans le souterrain de 813. Cependant, ce n’est pas la noyade qui menace Coralie et le capitaine Belval dans le Triangle d’or, mais l’asphyxie par le gaz, dans la maison aux murs aveugles, aux portes closes, où ils ont été enfermés. Et, plus tard, c’est de sous un tas de sable où on l’a enterrée vivante que Lupin délivrera la malheureuse Coralie ; comme il sauvera de justesse, dans 813, le vieux Steinweg, emprisonné dans un réduit ménagé sous le toit d’une villa et tout près de périr d’inanition.

Toutes ces scènes de claustration ont la puissance du cauchemar. Et chaque fois, un ennemi formidable, invisible et omniscient, agit dans l’ombre et tend ses pièges.


Couvertures : Atelier Pierre Faucheux


Samedi 27 août 2016 | Au fil des pages | Aucun commentaire


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