Hardellet à Londres
Post-scriptum. En farfouillant dans mes carnets à la recherche d’autre chose, je suis retombé sur ceci.
C’est à Londres qu’aboutissent et d’où partent ce que je nomme les corridors du Passé, ces voies parallèles qui vous permettent de sauter en marche sur une autre trajectoire du Temps. J’ai souvent rêve d’un Guide qui enseignerait, avec plan à l’appui, où et comment pénétrer dans ces couloirs comme dans les merveilleuses gares clandestines dont parlait Alphi, vous savez : celui qui laissait la porte ouverte, la nuit, dans l’espoir qu’une dame nue de toute beauté se tromperait enfin de chambre et entrerait chez lui.
André Hardellet, Lourdes, lentes.
Les gaffeurs magnifiques
Plus fort que Jacques Clouseau.
Plus tard, des liens très particuliers vont lier Paul Nougé avec un autre médecin dont on prétendait qu’il avait inspiré à Hergé le personnage du professeur Tournesol : le docteur Breuer. Il semble même que cette filiation célèbre ait quelque peu déteint sur les souvenirs qu’on rapporte à son sujet puisqu’on le présente souvent comme un homme attachant, arrivant au laboratoire avec des souliers de couleurs différentes et commettant de mémorables impairs. [Témoignage de Charles Sluys :] « Nougé m’a raconté que Breuer avait assisté jusqu’à la mort un de ses amis, se chargeant ensuite de toutes les démarches administratives, soutenant la jeune veuve dans le malheur. Puis, peu de temps après l’enterrement, il rencontre la jeune femme et, oubliant tout, lui demande des nouvelles de son mari. Elle le regarde d’un air tellement effaré que, pris d’un certain vertige, il ajoute : alors, toujours mort ? »
Olivier Smolders, Paul Nougé. Écriture et caractère.
À l’école de la ruse.
Labor, « Archives du futur », 1995.
La ville imaginaire de Tomaso Buzzi
Un nom qui a piqué ma curiosité parmi ceux cités par Patrick Mauriès. En 1956, l’architecte et designer milanais Tomaso Buzzi (1900-1981) acquiert la Scarzuola, ensemble conventuel franciscain datant du XIIIe siècle et situé en Ombrie, non loin d’Orvieto. Il va consacrer vingt ans de sa vie à y édifier sa cité idéale.
« Autobiographie en pierre » selon ses mots, parcours initiatique, lieu de rencontre entre nature et culture, la Città Buzziana est un complexe de sept théâtres dominé par une Acropole. D’esprit néo-maniériste (coexistence des styles, ruptures d’échelle, abondance de symboles et de citations), ce monde en miniature juxtapose en un labyrinthe composite de ruelles et d’escaliers les monuments visités par l’architecte au cours de ses voyages, des souvenirs de l’antiquité grecque et romaine, des sculptures de monstres et de figures mythologiques, et jusqu’à la tour de Babel. Un lieu magique comme on les aime (voir, dans un autre esprit, le musée Robert Tatin), et qu’on espère visiter un jour.
Figures de l’oubli
Nous vouons un culte à l’artiste maudit, que consume l’attente d’une élusive reconnaissance, mais il existe des œuvres, pas toujours mineures, qu’occultent au contraire leur élaboration lente et leur succès immédiat : achetées, à peine produites ou commandées, par des cercles d’amateurs fortunés, elles disparaissent pour ainsi dire de la circulation sans laisser de traces, jalousement gardées à l’intérieur des collections qui en réservent la valeur : tel fut le cas, à des degrés divers, des vues d’intérieur des Serebriakoff, de l’œuvre architecturale d’un Tomaso Buzzi, de la joaillerie d’un Jean Schlumberger ou d’un Joel Arthur Rosenthal — et de l’« art pauvre » de Lina Baretti que menaçait, en outre, sa fragilité.
Patrick Mauriès, Lina Baretti, parures, Le Promeneur, 2010.
Lina Baretti en 1936
Tous coproducteurs !
L’aiguille du novlangomètre a bondi dans le rouge ce matin, tandis qu’une voix enthousiaste proclamait sur les ondes de France-Culture :
« Les citoyens sont très désireux de participer à la coproduction du futur. »
Merci à M. Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République, pour ce grand moment d’hilarité.