Célébration de l’éphémère

Petits riens, fragiles brimborions sans poids ni carats, sans rien de cette préciosité mesurable qui définit a priori le bijou : ces parures semblent s’ingénier à prendre méthodiquement à contre-pied toutes les règles du genre.

Avec cette très belle monographie consacrée à Lina Baretti (1899-1994), Patrick Mauriès ajoute un chapitre à ses Vies oubliées (Rivages, 1988), avec le talent et la sensibilité qu’on lui connaît pour faire revivre des créateurs dont ne subsistent que des traces éparses et lacunaires.

Si l’on est comme moi peu porté sur la bijouterie mais très sensible à ce que Gracq, je crois, appelait les « bijoux naturels » (coquillages, agates, petits fossiles…), on ne peut qu’être touché par l’art de Lina Baretti. Marquée par « les formes naturelles de son enfance en Corse : coquillages, élytres de scarabées, ancolies, pommes de pin, écailles de poissons », elle privilégiait — et c’est ce qui fait sa singularité — les matériaux pauvres : plumes, liège, cristaux, canetille, velours, tartan, rhodoïd. Colliers, pendentifs et broches d’une stupéfiante légèreté, boucles d’oreilles, bracelets et peignes, piques à corsage ou à chapeau, ses créations minutieuses et inspirées émerveillent précisément à proportion de leur fragilité qui les vouait à l’éphémère. Destinées aux happy few de la société artistique et mondaine de l’après-guerre, leur succès même a contribué à leur paradoxal effacement.

Il aura fallu, pour faire ressurgir Lina Baretti de l’oubli, la passion d’un couple de galeristes bruxellois, Godelieve et Patrick Sigal, et la redécouverte inespérée d’une poignée de documents ayant miraculeusement survécu aux déménagements, à l’incendie et à la dispersion : lettres et photos de famille, cartons d’invitation, et surtout une série d’agendas qui permettent de la suivre au jour le jour durant une vingtaine d’années.

Patrick MAURIÈS, Lina Baretti, parures. Le Promeneur, 2010. Superbe réalisation éditoriale, comme tout ce qui sort des presses du Promeneur.


Dimanche 10 avril 2011 | Au fil des pages | 1 commentaire


Figures de l’oubli

Nous vouons un culte à l’artiste maudit, que consume l’attente d’une élusive reconnaissance, mais il existe des œuvres, pas toujours mineures, qu’occultent au contraire leur élaboration lente et leur succès immédiat : achetées, à peine produites ou commandées, par des cercles d’amateurs fortunés, elles disparaissent pour ainsi dire de la circulation sans laisser de traces, jalousement gardées à l’intérieur des collections qui en réservent la valeur : tel fut le cas, à des degrés divers, des vues d’intérieur des Serebriakoff, de l’œuvre architecturale d’un Tomaso Buzzi, de la joaillerie d’un Jean Schlumberger ou d’un Joel Arthur Rosenthal — et de l’« art pauvre » de Lina Baretti que menaçait, en outre, sa fragilité.

Patrick Mauriès, Lina Baretti, parures, Le Promeneur, 2010.


Lina Baretti en 1936


Samedi 9 avril 2011 | Grappilles | Aucun commentaire


Au château d’If

Encore une de ces pochettes de vues-souvenirs que j’affectionne (voir ici et ). Celle-ci diffère un peu de ses semblables dans la mesure où elle fait la part belle à l’imaginaire du lieu, avec une naïveté sympathique : on a payé de braves figurants pour incarner Edmond Dantès et l’abbé Faria dans leur geôle, et l’on a même glissé, pour faire bonne mesure, une gravure représentant l’Homme au masque de fer — lequel, sauf erreur, ne fut jamais détenu au château d’If : la confusion peut provenir de ce qu’il fut emprisonné dans le fort d’une autre île, l’île Sainte-Marguerite, avant d’être transféré à la Bastille, ou bien de ce que Dumas a romancé son histoire dans le Vicomte de Bragelone.



Vendredi 8 avril 2011 | À la brocante | Aucun commentaire


Chambres


Bruxelles, square des Latins


Mercredi 6 avril 2011 | Chambres | Aucun commentaire


Ceux qui lisent


Vendredi 1 avril 2011 | Ce qu'ils lisent | Aucun commentaire